La situation restait confuse hier en Tunisie après l'annonce du nouveau gouvernement d'unité nationale d'où sont exclus les partis d'opposition interdits sous le régime de Ben Ali, exilé depuis vendredi en Arabie Saoudite. Les violentes émeutes qui ont conduit au départ de Ben Ali se sont calmées et les dirigeants politiques, dont la plupart soutenaient auparavant le président déchu, tentent de prouver leur détermination à organiser les élections promises. La rue contre la participation du RCD Mais les premières consultations pour la formation d'un gouvernement de transition sont dénoncées par la rue tunisienne. Hier matin, après une nuit marquée par quelques scènes de pillage, ainsi que la bataille livrée par les forces de l'ordre contre des membres de l'ancienne garde de Ben Ali près du palais présidentiel à Carthage, des centaines de Tunisiens sont sortis pour exiger la dissolution du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), parti de l'ex-président. Sur la grande avenue Habib Bourguiba, les manifestants brandissaient des pancartes aux slogans hostiles au parti de l'ex-président. Ils criaient «La révolution continue ! RCD dehors !» «On ne veut personne du RCD dans le futur gouvernement, y compris le Premier ministre» actuel, Mohammed Ghannouchi, a lancé un manifestant cité par des agences de presse. Pour contrer les manifestations et éviter tout dérapage, les autorités ont déployé sur place les forces de la police antiémeute qui tentaient de disperser les manifestants. Les forces de sécurité sont intervenues à l'aide d'un canon à eau, de tirs de sommation et de gaz lacrymogènes pour tenter de disperser les foules. Dans une brève allocution, Mohammed Ghannouchi avait déclaré dimanche que le nouveau gouvernement d'unité «ouvrira une nouvelle page de l'histoire de la Tunisie». Par ailleurs, selon des sources proches des négociations, les opposants Najib Chebbi, Moustafa Ben Jaafar et Ahmed Ibrahim participeront au nouveau gouvernement dans lequel les ministres des Affaires étrangères et de l'Intérieur sortants conservent leur poste.
Nadjib Chebbi, chef de file du Parti démocratique progressiste (PDP), devient ministre du Développement régional. Moustafa Ben Jaafar, président du Forum pour le travail et la liberté, est à la Santé tandis qu'Ahmed Ibrahim, du parti Ettajdid, récupère le portefeuille de l'Enseignement supérieur. Ahmed Friaa a été nommé à l'Intérieur la semaine dernière à la suite du limogeage de son prédécesseur sur ordre de Ben Ali. Mais la présence d'anciens membres du gouvernement est dénoncée par la rue. «Ce sont les mêmes qu'avant», disaient certains. Sur le plan social, la nourriture commence à manquer et à se faire rare, car beaucoup ont été pris au dépourvu par les émeutes et leur ampleur. Ainsi, des files d'attente ont commencé à se former devant les rares boulangeries ouvertes et l'essence est devenue difficile à trouver. Des habitants armés de bâtons ou de sabres ont dressé des petits barrages pour défendre la capitale. Avenue Bourguiba, des échanges de coups de feu ont éclaté devant l'ambassade de France, entourée de chars, et à proximité du ministère de l'Intérieur. Presque mitoyen, l'hôtel Africa, où logent la plupart des journalistes étrangers, est désormais ceint d'immenses palissades métalliques. Par grappes, des centaines de policiers ralliés au nouveau gouvernement sont postés dans les rues adjacentes, le pistolet à la main. «On cherche un terroriste», explique l'un d'eux, qualifiant ainsi celui qui, hier encore, était un collègue, voire un ami. Les USA et l'UE prêts à aider pour organiser les élections Sur le plan international, les Etats-Unis se disent disposés à offrir leur assistance au gouvernement tunisien pour tenir des élections «justes» et «libres» dans un proche avenir, a indiqué hier à Alger le conseiller principal du Président américain pour la sécurité intérieure et la lutte antiterroriste, John Brennan. «Nous appuyons fermement les aspirations du peuple tunisien et nous sommes prêts à offrir toute notre assistance au gouvernement de ce pays pour la tenue, dans un futur proche, d'élections justes et libres, reflétant la volonté et les aspirations du peuple», a-t-il souligné. Le président Barack Obama a «applaudi» le «courage» et la «volonté» du peuple tunisien, a-t-il dit, ajoutant qu'il est disposé à «aider le peuple tunisien à rétablir la paix et le calme afin que des élections puissent se tenir dans 60 jours». Il a rappelé que le gouvernement américain a lancé des appels au calme, tout en insistant sur le «respect de la Constitution». Dans ce contexte, il a exprimé le refus du gouvernement américain que des «forces extrémistes puissent profiter, éventuellement, de la situation de violence en Tunisie». De son côté, L'Union européenne a condamné hier aussi «toute action visant à déstabiliser davantage la sécurité en Tunisie». «Nous appelons les autorités tunisiennes à agir de façon responsable, à préserver la paix, à faire preuve de retenue et à éviter de nouvelles violences et victimes», précise une déclaration de l'UE qui dit condamner les tentatives de déstabilisation. Elle affirme aussi «sa solidarité avec la Tunisie et avec son peuple» et «rend hommage au courage du peuple tunisien et à sa lutte pacifique pour les droits et la démocratie». Dans ce contexte, les Européens sont prêts à «fournir une assistance immédiate pour préparer et organiser le processus électoral».