La tentative de suicide qui a eu lieu mercredi dernier à Ras El Oued a rappelé les événements qui ont secoué la ville au début du mois en cours et souligné la nécessité d'ouvrir le dialogue avec ces jeunes qui n'ont d'autres possibilités que d'attenter à leur vie pour attirer l'attention. Mais contrairement aux tentatives dont certaines ont réussi malheureusement dans plusieurs communes de pays, celle de Ras El Oued n'a pas eu pour cadre le siège de l'APC. Elle n'avait aucun lien aussi avec la situation sociale de la victime. Mais dans tous les cas, la hogra pousse les citoyens aux réactions les plus extrêmes. Pour K.A. le fait de ne pas pouvoir récupérer sa moto était inacceptable, d'autant que les agents ne lui ont laissé aucune possibilité. Il fallait présenter les documents de l'engin ou c'est la fourrière. Le sésame qui manque En fait, ce n'est pas la première action de ce genre dans la wilaya. Plusieurs personnes ont voulu mettre fin à leurs jours pour réclamer des droits qu'ils croient non négociables. On se rappelle la sortie de ce couple de Bordjiens qui sont montés sur la terrasse du siège de la wilaya pour appuyer leur demande de logement. Des jeunes ont escaladé des poteaux électriques pour avoir des emplois. Il a fallu les événements et surtout la sortie du Tunisien Bouaazizi pour que ces sorties attirent l'attention et imposent la nécessité d'ouvrir le dialogue avec ces citoyens quelles que soient leurs revendications. Comme par enchantement, les portes s'ouvrent aussi. Les responsables apprennent même à écouter ainsi que nous l'avons remarqué avec le jeune K. A. Ce dernier a été reçu par le procureur de la République. Aucune poursuite judicaire n'a été engagée contre lui. Mieux il a été invité à faire valoir ses droits par voie de justice. Résultat, il est rentré chez lui. La question qui reste posée est : jusqu'à quand ? K.A. a échappé à la mort et à la hogra. Le procureur de la République qui l'a reçu a-t-il agi seul ? Assurément non. Nous avons appris que des instructions fermes ont été données aux responsables locaux d'écouter les doléances des citoyens. Même les services les plus fermés jadis comme les tribunaux et les commissariats sont poussés à faire de même. Même durant les événements, les mêmes instructions insistaient sur une plus grande souplesse. La leçon tunisienne a-t-elle été apprise ou est-ce que les autorités laissent passer l'orage avant de revenir à leurs anciennes habitudes ? Pourtant, les problèmes soulevés ne datent pas d'hier, leurs solutions aussi. Ras El Oued meurtrie par les événements A Ras El Oued qui est, rappelons-le, la seconde ville de la wilaya, rien n'indique qu'un événement majeur a eu lieu à la fin de la semaine. La ville panse ses blessures après des émeutes violentes, la tentative de suicide n'est plus dans les commentaires. C'est plutôt les effets des émeutes qui restent sur les lèvres. Il faut dire que tous les établissements publics ont été saccagés. Même les établissements scolaires n'ont pas échappé à la furie des émeutiers. Les citoyens éprouvent les plus grandes difficultés pour régler leurs problèmes quotidiens avec la poste fermée, les banques en rénovation et le centre payeur de la CNAS qui ne reçoit plus de demandes de remboursement de frais médicaux. Même l'APC a été caillassée. Cela n'a pas empêché le maire d'être présent et de discuter avec les citoyens. Les instructions sont passées par là. Mais le désastre que la ville a connu occupe là aussi l'essentiel des débats. Comme quoi les anciennes habitudes sont toujours présentes en dépit des apparences. Le discours sur les actions engagées par l'Etat notamment pour les jeunes revient également. Les jeunes doivent en profiter, note notre interlocuteur qui donne l'exemple des locaux du Président qui cherchent toujours preneurs. Les intéressés doivent sauter sur l'occasion. Peut-être qu'elle ne se répétera jamais Rien ne dit que le changement est permanent. Ceux que nous avons rencontrés n'y croient pas tellement. Ils évoquent leurs contraintes, dont le chômage n'est pas des moindres. Malgré sa forte population, Ras El Oued manque terriblement de projets. Son état de cul de sac n'arrange pas les choses. Hamid, Zoubir et leurs amis n'ont que le café comme lieu de rencontre et l'équipe locale le ROC comme sujet de discussion et d'intérêt. Les responsables assurent pourtant que rien ne sera plus comme avant. Ces citoyens peuvent se faire entendre. Ils pourront peut-être satisfaire leurs besoins tant en logement qu'en emploi. Leur rêve peut devenir une réalité. Ils doivent pour cela rendre grâce aux tentatives de K.A. et des autres qui ont bouleversé l'ordre même pour un temps. Retour à Bordj Bou Arréridj. Même spectacle de désolation au siège de l'APC qui a été incendié entièrement. Mais le maire ainsi que les élus et les responsables techniques sont là. Les citoyens défilent. Leurs mines indiquent qu'ils ont été gavés de promesses. C'est dans quelques mois qu'ils se rendront compte si les responsables s'occupent enfin de leur sort. Ils sauront alors si la communication est enfin établie et que la justice sociale est mise en œuvre.