L'interdiction existe depuis longtemps, mais une note toute fraîche vient de rappeler aux gérants de stations-service qu'ils ne doivent pas vendre de l'essence autrement qu'en le versant dans les réservoirs des véhicules. Autrement dit, fini le super, le normal et le sans plomb dans les jerricans et les bouteilles qui défilent entre les voitures. On pensait que c'était fini depuis longtemps mais en fait on avait oublié que le «décret d'application» n'a jamais été promulgué, d'où l'inutilité de la «loi». ça remonte à tellement loin qu'on se souvient vaguement que sous prétexte qu'on devrait empêcher la vente de ce carburant pour réduire la possibilité de son utilisation à des fins malveillantes ou criminelles, il faut maintenant ajouter suicidaires. Dans la tête de celui qui a pondu cette mesure, il y a des décennies donc, il aurait suffi que l'essence se vende un peu moins facilement que les petits pains et on aurait évité tous les incendies criminels, empêché tous les actes de sabotage et contenu toutes les tentations suicidaires par le feu et le produit qui en donne le plus rapidement : l'essence. Cela équivaut à peu près à interdire de vendre de l'alcool aux mineurs, à contrôler si l'acheteur du papier-cigarettes va l'utiliser pour la chique ou pour rouler ses joints, imposer des voitures électriques pour qu'il n'y ait plus de tuyaux d'échappement à inhaler ou enquêter auprès des menuisiers pour savoir si les quantités de colle qu'ils achètent ne sont pas revendues pour des usages moins licites que les assemblages de bois. Les résultats, on les devine. Mais il n'est peut-être pas toujours question de résultats, quand on en vient à ce genre de décision. Il en est même qui sont surréalistes. «Réactiver» une instruction qui date de plusieurs décennies sous prétexte que si on s'immole par le feu, c'est parce que l'essence est «trop» disponible, il fallait vraiment y penser. Il n'y a qu'à voir le sourire dans la commissure des lèvres des pompistes pour comprendre le sérieux avec lequel ils prennent la chose. On n'avait peut-être pas besoin de connaître leur avis : tout le monde peut aller, jerrican en main, chercher de l'essence dans une station, sauf celui qui a de mauvaises intentions. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir