Depuis sa brouille avec le patron des Pasdarans, le président iranien n'a pas fait vibrer les haut-parleurs. Remis à sa place par le chef des gardiens de la révolution, une gifle en prime, Mahmoud Ahmadinejad n'aurait pas trouvé mieux que la chute de Hosni Moubarak pour remonter à la tribune. D'après l'ancien maire de Téhéran, le Proche-Orient va bientôt se débarrasser des Etats-Unis et d'Israël. Est-ce un raccourci trop vite catapulté sur Tahrir square en fête ? Le président négationniste, qui ne rêve que de rayer Israël de la carte, s'attend à ce que le départ du raïs favorise la montée en flèche des Frères musulmans égyptiens en particulier et de l'islamisme antioccidental en général. Vision illuminée du clergé chiite qui croit savoir que l'encerclement de l'Etat hébreu est en marche. Grâce au dernier coup de force du Hezbollah libanais qui a réussi à renverser le gouvernement réformiste de Saad El Hariri ? En outre. Mais si les mollahs augurent d'un tel avenir sombre pour l'axe américano-israélien, c'est aussi parce que Tunisiens et Egyptiens sont allés jusqu'au bout de leurs révoltes populaires, faisant chuter des «ennemis proches», avec les remparts contre l'islamisme radical. Interdits depuis vingt ans, les fidèles d'Ennahda du Tunisien Ghenouchi sont-ils bien partis pour instaurer un califat à la place du laïque gouvernement déchu de Ben Ali ? Sociologiquement parlant, la Tunisie d'aujourd'hui n'est plus celle de l'année où le leader charismatique d'Ennahda regagnait sa terre d'exil. Face à la jeune génération tunisienne, qui n'a pas eu besoin de partis d'opposition ou d'un quelconque homme politique pour mener sa révolution à terme, la mission d'imposer l'islamisme politique comme seule alternative s'annonce ardue. Voire impossible. Les «facebookers» ne se laisseraient pas voler si facilement une victoire qui n'est que la leur. Sans pour autant être frappées du sceau de l'occidentalisation, leurs aspirations démocratiques ne seraient pas sujettes à un balayage souple. D'ailleurs, reconnus pour leur patience, les islamistes tunisiens ne comptent même pas participer aux prochaines législatives. Exclus, eux, depuis cinquante ans, les Frères musulmans d'Egypte ont-ils plus de chances d'accéder au pouvoir pour la seule et l'unique raison suivante : le mouvement du défunt Hassan El Benna est considéré comme le plus organisé parmi les forces d'opposition ? La chute du rempart Moubarak et l'invitation au dialogue faite par Souleimane aux frères musulmans ne signifient pas ouvrir grand le boulevard Ramsès à une percée fulgurante de l'islamisme, si modéré soit-il. Ce n'est pas le maréchal Tantaoui qui laisserait faire, bien que le président Obama ait rappelé le fait indéniable que les islamistes font partie de la société égyptienne. Ce qu'il n'a pas dit, par contre, c'est si ces mêmes islamistes vont avoir leur part des aides financières que Washington compte offrir à l'opposition durant la période de transition. Quant au Conseil de l'armée égyptienne, garant de la paix avec son voisin israélien, il n'a aucun souci à se faire, le chèque tombera à la même date chaque année. Si les Frères musulmans sont en manque d'argent liquide, le régime des mollahs mettra-t-il la main à la poche pour faire grossir les rangs de l'arc antioccidental au Proche-Orient ? Il peut toujours essayer de radicaliser la jeunesse égyptienne mais il ne doit en aucun cas avoir la mémoire courte. Car, si la vague verte, conduite par Hossein Moussavi, avait envahi le bazar, le réformisme aurait pris largement le dessus. Pour la simple et bonne raison que les aspirations démocratiques de la jeunesse iranienne ne diffèrent pas de celles de ses jumelles dans le monde arabo-islamique. L'invasion culturelle occidentale par le net et par le satellite a fait du chemin depuis.