La campagne pour les législatives du 14 mars en Iran montre la vigueur d'une nouvelle force politique radicale, celle des anciens combattants, les Pasdarans, qui domine la politique iranienne. La compétition n'oppose que les Pasdarans autoproclamés gardiens du dogme et quelques rescapés de la veille garde religieuse qui croient encore en la pureté de la révolution islamique et qui tentent de mettre en avant l'héritier spirituel de Khomeiny, l'ayatollah Khamenei. Mais l'actuel guide suprême de la révolution islamique iranienne n'a plus tous les pouvoirs de son prédécesseur ni son auréole. Ali Eshraghi, le petit-fils de Khomeiny, vient d'annoncer qu'il renonçait à participer au scrutin. Sa candidature, d'abord refusée, avait pourtant été finalement acceptée par le Conseil des gardiens. Son cousin, Hassan Khomeiny, un autre héritier du fondateur de la République islamique, s'est opposé quant à lui depuis longtemps à la tournure que prend ce rendez-vous électoral en dénonçant, après avoir été disqualifié, la militarisation de la politique. Les deux hommes pointent du doigt la nouvelle classe dirigeante, issue, comme le président, Mahmoud Ahmadinejad, des Pasdarans, l'armée idéologique du régime, et que les réformateurs ont accusé d'avoir fomenter un coup d'Etat au sein du régime islamique. La bataille qui se profile à trois jours des élections est, de fait, révélatrice de nouvelles lignes de fracture au sein du système politique iranien. La lutte entre conservateurs et réformateurs, qui occupa le devant de la scène pendant la présidence de Mohammed Khatami de 1997 à 2005, s'est terminée sur la défaite des seconds. Trente années après l'arrivée de Khomeiny à Téhéran, c'est désormais un combat entre Pasdarans qui sévit avec dans ses périphéries quelques rescapés de la vieille garde religieuse. Les Pasdarans ont été constitués durant la guerre Iran Irak (1980-1989) pendant que les religieux prenaient en mains le contrôle du pouvoir économique, politique et culturel. Avec Ahmadinejad, la tendance s'est inversée et les Pasdarans se sont mis aux affaires. Ils ont pu ainsi investir la plupart des postes de décisions. Leur émergence a été progressive : aux élections municipales de 2003, puis aux législatives de 2004 et enfin à la présidentielle de 2005. Il ne leur reste plus qu'à conquérir le Parlement, ce qui ne saurait tarder, dès lors qu'ils ont bloqué les candidatures de réformateurs aux législatives grâce aux commissions de surveillance qui dépendent du ministère de l'Intérieur, proche d'Ahmadinejad. D'après les chiffres officiels avancés par le Conseil des gardiens, l'autorité suprême chargée du filtrage des candidatures et dominée par les Pasdarans, 4 500 candidats ont été qualifiés pour le scrutin du 14 mars, et 2 200 rejetés, parmi lesquels de nombreux réformateurs qui ne pourront, du coup, disputer qu'un tiers des sièges du Parlement. L'abstention des partisans du réformateur Khatami aux précédentes élections, notamment parmi les jeunes et les femmes, déçus par la lenteur des réformes, a facilité la tâche des Pasdarans qui ont bénéficié à fond de la caisse du populisme d'Ahmadinejad, lequel privilégie l'idéologie islamique et la provocation sur la scène internationale, deux ingrédients très appréciés par les classes populaires en quête de rêves de grandeur, faute de progrès sociaux. D. Bouatta