Le train de la révolte des pays n'a pas finalement qu'une escale «sans dégâts», mais un arrêt «sanglant» qui pourrait durer longtemps, jusqu'à la satisfaction des revendications politiques et sociales. Les marches à travers le royaume, auxquelles a appelé le «Mouvement des jeunes du 20 février», n'ont pas été aussi pacifiques, puisqu'au moins cinq personnes ont été tuées et plusieurs autres blessées. Le bilan a été avancé par les autorités marocaines elles-mêmes, hier dans la journée. Le ministre marocain de l'Intérieur, Taeib Cherqaoui, a fait également état de 128 blessés lors des manifestations de dimanche. Lors d'un point de presse, il a indiqué que 53 manifestations avaient été organisées dans le royaume et elles ont rassemblé 37 000 participants. 33 établissements publics, 24 agences bancaires, 50 commerces et 66 voitures ont été endommagés par des «fauteurs de troubles», dont 120 ont été arrêtés par les forces de l'ordre et seront déférés devant la justice, selon le ministre. Dans la ville de Larache, le siège de la douane a été saccagé et les assaillants ont pillé les drogues et les boissons alcoolisées qui avaient été saisies et stockées dans ce bâtiment. Néanmoins, ces chiffres sont loin de la réalité du terrain, puisque des sources parlent d'une mobilisation plus forte à travers le pays. Malgré la pluie, ils étaient un peu plus de 5000 à scander leur volonté de changement à Rabat. Les slogans ont un air de déjà entendu. Comme en Egypte et en Tunisie, les manifestants réclament le droit au travail et la fin de la corruption. Mais plus que le roi, c'est le gouvernement qui concentre la colère des manifestants. Changer de gouvernement ? Une monarchie constitutionnelle, la séparation des pouvoirs, la révision de la Constitution pour que le régime soit plus démocratique sont autant de revendications des manifestants. Pour certains, il est question de changer de système, comme en Tunisie et en Egypte. Néanmoins, le mouvement des jeunes a failli être un flop, par des agissements en coulisses du régime marocain, qui a tout fait pour faire échouer la manifestation. Le retrait, la veille, des principaux initiateurs «pour des divergences idéologiques» avec certains partis est une preuve de la manœuvre du gouvernement. Les organisateurs de la marche ont évoqué d'ailleurs les tentatives de déstabilisation. Ils ont expliqué que l'agence officielle du Maroc (MAP) a annoncé que la manifestation a été annulée. Et ça a été repris par les médias officiels. «Donc, nous avons tout de suite nié cette information par le biais des réseaux sociaux». C'est pour cela qu'ils qualifient de réussite cette manifestation, qui n'est pour des milliers de Marocains que le début du mouvement. L'importance de cette action des jeunes s'est vite fait sentir au sein des partis politiques, dont le rôle est de jouer une démocratie de façade. Ainsi, le Parti de la justice et du développement (PJD) pourrait être la première victime de ces manifestations. Trois de ces cadres, Mustapha Ramid, Lahbib Choubani, et Hamieddine, ont démissionné de son secrétariat général en raison des oppositions de vues sur la marche. Ces démissionnaires restent néanmoins membres du parti. Ramid, chef du groupe parlementaire du PJD à l'hémicycle, a participé aux manifestations, contrairement à la position adoptée par son parti que dirige Abdellilah Benkirane. Le chef de file des pjdistes ainsi que certains membres influents du parti auraient exercé des pressions sur les jeunes pour ne pas pendre part à la marche. Cette attitude du secrétaire général serait motivée par un deal passé avec les autorités pour la libération de Jamaâ Al Moâtassem. A en croire Maghreb Intelligence, ce responsable du PJD à Salé (près de Rabat) est incarcérée depuis janvier pour abus de pouvoir.