Le gouvernement algérien avait vu juste lorsqu´aux premiers jours des bombardements de la coalition militaire internationale en Libye, il avait averti que l'enlisement de ce conflit favoriserait inévitablement le trafic d´armes dans la région. C'est ce qu´avait affirmé le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, dans l´interview qu´il avait accordée le 24 mars à notre confrère l´Expression, dans laquelle il avait fait part des craintes de l´Algérie de voir Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) exploiter cette situation de guerre pour consolider ses bases et accélérer le trafic d´armes dans la région. Au Mali via le Tchad et le Niger Les craintes du gouvernement algérien ne vont pas tarder à se vérifier. Une «source sécuritaire» algérienne citée hier par les médias internationaux a fait savoir qu´un important lot de matériel militaire libyen serait déjà passé aux mains de cette organisation terroriste. Un convoi composé de 8 véhicules tout-terrain, chargé de missiles russes terre-air de type SA-7, l´équivalent du Stinger occidental et de matériels de guerre divers puisés par la rébellion dans les stocks de l´armée libyenne a déjà été acheminé au Mali, via le Tchad puis le Niger. Les chaînes de télévision occidentales et des pays du Golfe avaient, pour célébrer la «déroute» des troupes de Kadhafi, diffusé et rediffusé les images de ces dépôts de matériels de guerre à ciel ouvert des plus sophistiqués, surtout les lots de missiles russes abandonnés par l´armée libyenne à Benghazi. On se souciait alors très peu parmi ces médias et les états-majors de l´Alliance atlantique (OTAN) de la destination finale d´une partie de ce matériel de guerre moderne dont disposent peu d´Etats en Afrique. «Préoccupation» à Washington Les Etats-Unis, la seule puissance occidentale engagée dans la lutte contre AQMI au Sahel, a immédiatement réagi aux déclarations faites par la «source sécuritaire algérienne». Washington a exprimé sa «préoccupation» pour l´acquisition par AQMI de ce matériel militaire des plus sophistiqués. Les Etats-Unis dont les services de renseignements (CIA) participent, en ce moment, à l`entraînement des insurgés, comptent soulever cette question aux membres du Conseil National de Transition (CNT) installé à Benghazi. Les trafiquants d´armes sont vraisemblablement des membres de AQMI qui ont infiltrés dès le début les rangs des insurgés. L´amiral américain James Stavridis, commandant allié de l´OTAN pour l´Europe, en est même convaincu pour avoir informé, la semaine dernière, le Pentagone sur la base des renseignements fournis par la CIA, d´indices prouvant la présence de membres de Al Qaeda dans les rangs des insurgés. Trois convois détruits par l»ANP Les trafiquants de matériel de guerre en Libye sont des professionnels qui connaissent parfaitement la région, selon une source proche du dossier. Pour acheminer les missiles libyens vers leurs bases dans le nord du Mali, le chemin le plus court passe par le territoire algérien. Or, depuis le début des événements en Libye, l´état-major de l´ANP a mobilisé plus de 7000 soldats et gendarmes pour renforcer le contrôle des régions frontalières avec ce pays voisin. «Il est quasi impossible pour les terroristes de se risquer dans les régions de IIlizi et Tamanrasset tant l´ANP y est omniprésente, Aqmi préférant donc un itinéraire deux ou trois plus long via le Tchad et le Niger, mais plus sûr», ajoute la même source. La presse algérienne a, d´ailleurs, fait état depuis janvier dernier de la destruction par les forces armées algériennes d´au moins trois convois d´armes de AQMI dans l´extrême Sud du pays. Une première fois, précisément dans la région d'Illizi où quatre Land Rover avaient été détruites et un lot important d´armes de guerre saisi, et une seconde fois près de la frontière avec le Niger. Ce dernier convoi se dirigeait vers El Oued et Biskra pour, vraisemblablement, approvisionner les foyers de terrorisme qui se trouvent en Kabylie. Trois mois plus tôt, une unité de l´ANP avait mené avec succès une opération similaire dans la région de Ouargla, il y a trois mois environ, au cours de laquelle un autre convoi de Aqmi avait été détruit et un important lot d´armes et de munitions récupéré. 5483 «djihadistes» libyens Sourde aux avertissements de l´Algérie et aux préoccupations des Etats-Unis, la France continue, à ce jour, de plaider pour la fourniture d´armes aux insurgés, sans se soucier de la destination éventuelle d´une partie de ce matériel de guerre, composé surtout de missiles sol-sol, sol-air pour faire contrepoids à la suprématie de l´armée libyenne dans ce domaine. Exactement le matériel qui intéresse Aqmi. Hier, le quotidien espagnol ABC annonçait que les rebelles libyens, parmi lesquels se trouvent d´anciens «djihadistes» en Irak, ont déjà conclu un accord d´approvisionnement de matériel de guerre moderne avec Qatar et s´apprêtent à en faire de même avec l´Egypte. Parmi ces rebelles, il y aurait un grand nombre des 5483 Libyens qui ont participé depuis 2003 à la guerre d´Irak. C´est le groupe de djihadistes le plus important du monde arabe. Ces derniers sont aujourd´hui organisés en «association des moudjahidine» et l´un d´eux, Tarek el Magri, les caméras de télévision l´ont montré exhibant fièrement son badge de «vétéran de la guerre d´Irak» que lui a délivré son association. Comme beaucoup de ses camarades, il est en première ligne de l´insurrection libyenne. Ces djihadistes sont sans doute mieux entraînés et plus motivés que les déserteurs de l´armée du colonel Kadhafi.