Trois conflits qui, en plus de menacer la stabilité de la région, incitent la diplomatie algérienne à redoubler de prudence. C'est sans aucun doute la crise libyenne qui présente le plus d'ingrédients qui font positionner le Maghreb sur une poudrière. L'incendie prend feu aux portes de l'Algérie. Les bombardements et les frappes aériennes de la coalition internationale contre la Libye font sérieusement croire à l'émergence d'un nouveau bourbier irakien dont les pays favorables à une intervention armée pour mettre fin au régime de Mouaâmar el Gueddafi, n'ont certainement pas encore pris la mesure. En ce sens, la position algérienne en plus d'être mesurée est tout simplement appropriée. «L'Algérie saisit cette occasion pour appeler une nouvelle fois à la cessation immédiate des hostilités et des interventions étrangères», a déclaré mardi Mourad Medelci lors d'un point de presse qu'il a conjointement animé avec le ministre russe des Affaires étrangères. «Nous voyons que dans plusieurs pays de la région il y a des événements très inquiétants et il se pourrait que l'utilisation de ces doubles standards pourrait attiser la situation; il faut donc l'éviter», a prévenu de son côté Sergeï Lavrov qui craint que certains Etats n'exploitent la résolution 1973 à d'autres fins. L'attitude de la diplomatie algérienne est d'autant plus remarquable si l'on tient compte qu'avec le Sahara occidental et le Sahel, c'est un troisième front qui s'ouvre à ses frontières, avec la crise libyenne. Un contexte géopolitique délicat qui incite la politique étrangère de l'Algérie à redoubler de vigilance. «L'établissement d'une zone refuge pour les terroristes au Sahel menace la sécurité de toute l'Afrique du Nord, mais aussi de l'Europe et des Etats-Unis, dont les intérêts sont les cibles privilégiées des terroristes». C'est l'un des principaux enseignements qu'a tiré l'Institut Thomas More, dans son rapport spécial «Sur une sécurité durable au Maghreb» qui a été soumis à un débat public à Bruxelles au mois d'avril 2010. Cela concerne au plus haut point l'Algérie qui est déjà engagée sur deux fronts géostratégiques, le Sahara occidental et le Sahel où Al Qaîda au Maghreb Islamique semble avoir élu domicile pour mener essentiellement ses opérations d'enlèvements de ressortissants et touristes étrangers. Une stratégie qui a pour but de montrer les failles des pays concernés en matière de sécurité et qui ouvre toutes grandes les portes à une implantation de puissances étrangères dans la région. Ce à quoi s'oppose fermement l'Algérie. «Il est fondamental pour nous que tous les efforts que nous avons faits pour lutter contre le terrorisme et les efforts que nous continuons à faire ne soient pas contrariés par des évolutions visant l'instabilité dans un pays voisin», a souligné le chef de la diplomatie algérienne dans une interview publiée le 7 mars 2011 par le Wall Street journal. Le risque de voir le conflit armé libyen sortir de ses frontières est bien réel. «Les armes circulent d'un groupe à l'autre, dans la bande sahélo-saharienne et jusqu'au Sinaï, et le chaos qui menace le bassin méditerranéen est aussi susceptible de s'étendre au sud saharien», a prévenu Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur associé à l'Institut Thomas More, et chercheur à l'Institut français de géopolitique (Université Paris VIII). Le Sahara occidental constitue l'autre pomme de discorde avec notre voisin de l'Ouest. Il cache des visées expansionnistes que le Maroc a affichées et rappelées ouvertement à maintes reprises. Le «Maroc historique qui va de Tanger à St-Louis du Sénégal et à Tombouctou incluant le Sahara espagnol et une partie du Sahara algérien» a été évoqué par feu Mohammed V lors de son discours de M'Hamid Al Ghizlane en 1958. En 2009, le Premier ministre marocain a remis ça en revendiquant Tindouf. «L'Istiqlal reste attaché au droit du Maroc vis-à-vis de son Sahara oriental», avait déclaré Abbas el Fassi lors de la tenue du 15e congrès de l'Istiqlal, parti dont il est le secrétaire général. Le feu couve aux frontières algériennes. Une conjoncture géopolitique délicate d'où la politique étrangère de l'Algérie tire son pragmatisme.