Barack Obama, Nicolas Sarkozy, David Cameron et Silvio Berlusconi ont choisi d'envoyer des experts militaires en Libye pour initier la rébellion aux techniques d'une guerre qui s'annonce déjà longue, et bien sûr plus meurtrière et plus destructrice encore qu'elle ne l'est. Un matériel de guerre en quantité suffisante et une assistance militaire au sol plus renforcée encore suivront, malgré l'embargo décrété par les Nations unies sur les exportations d'armes de guerre vers les zones de conflit. L'invasion terrestre : une formalité ! Une invasion directe du territoire libyen par les armées de la coalition demeure, toutefois, la seule possibilité pour en finir avec le régime du colonel Kadhafi. S'agissant d'une formalité, il ne sera pas difficile à ces puissances de convaincre le Conseil de sécurité de l'ONU d'autoriser une invasion terrestre en Libye que ne prévoit pas la résolution 1973. Elles ont les moyens de dissuader Moscou et Pékin d'user de leur veto. Cette option n'est pas toutefois envisageable par ces puissances occidentales engagées dans ce conflit, pour au moins ces deux raisons fondamentales. Premièrement, les Etats-Unis, la France et pas mal d'autres pays, l'Espagne, le Portugal, l'Italie ou la Belgique qui n'a même pas de gouvernement élu depuis environ une année, sont à la veille de grandes élections, d'où leur souci d'économiser les pertes en vies humaines – celles de leurs soldats bien sûr – qui pourraient coûter chers aux candidats sortants. C'est le grand risque que Barack Obama se refuse à prendre au moment où il annonce sa candidature pour un second mandat à la Maison Blanche. Apparemment, il a su déjouer habilement le piège que lui tendait son ex-rival aux élections américaines de novembre 2008, le sénateur Mc Caïne, quand il appelait depuis Benghazi à plus d'engagement militaire (américain bien entendu) aux côtés des rebelles libyens qui combattent contre les forces du colonel Kadhafi. Entendre ici une intervention militaire terrestre qui rappellerait à l'opinion américaine l'invasion militaire d'Irak sous George Bush. On peut imaginer la forme qu'aurait pu prendre, aujourd'hui, l'engagement des Etats-Unis dans ce conflit si l'ex-candidat républicain, vétéran de la guerre du Vietnam, avait accédé à la Maison-Blanche. Chaque président américain a eu «sa guerre» Aux Etats-Unis, et de plus en plus en Europe, il y a toujours eu un consensus national autour des objectifs d'une guerre, même avec quelques nuances, que celle-ci soit menée par les républicains ou par les démocrates. Dans ce pays où l'industrie militaire tourne à plein régime, la guerre contribue à la richesse nationale de la même manière qu'elle sert à entretenir le leadership américain dans le monde. Depuis le début des années 50, chaque président des Etats-Unis a eu sa guerre, engagée dans tous les cas par un camp politique et soutenue ou parachevée par l'autre. Truman a eu «sa guerre» de Corée, Kennedy, Johnson, Nixon et Ford la leur au Vietnam, élargie dans tout le sud-est asiatique, Carter a frappé en Iran, Reagan en Amérique Latine, Clinton l'a fait au Soudan, la famille Bush a envahi par deux fois l'Irak et Obama, le plus pacifiste de tous ses prédécesseurs, se laisse tenter aujourd'hui la sienne en Libye. Pour ne pas faillir à ce grand privilège du président des Etats-Unis, le gendarme du monde. Le gendarme de l'Afrique C'est pour écouler son stock de matériel militaire invendable en période de paix que la France s'emploie à ouvrir des foyers de tension un peu partout en Afrique où elle ambitionne de jouer un rôle de gendarme, comme au Rwanda et en Côte-d'Ivoire. En Libye, Nicolas Sarkozy a d'autres intérêts géostratégiques et énergétiques pour son pays, en plus de son ambition politique personnelle pour se maintenir à l'Elysée. En Occident, la guerre est devenue la stratégie de gouvernement et pas seulement en période de crise économique et financière. Elle peut, si elle est réussie, permettre de se maintenir au pouvoir, comme elle peut provoquer l'effet inverse en cas d'échec. Pour cette raison, il y a accord au sein de la coalition sur la poursuite de la guerre en Libye sous le beau slogan d'«assistance à un peuple en danger». Principe à forte dose d'hypocrisie, sachant que non loin de là, le sort d'un autre peuple en danger de mort depuis 1947 ne donne pas tant mauvaise conscience aux puissances occidentales.