Avec des galons en moins, le colonel Kadhafi continue de faire le sourd. S'exprimant sur une chaîne serbe – l'âme de Tito a dû planer tout au long de l'interview sur le plateau – le retranché d'El Azizia persiste et signe : la Libye baigne dans un hammam de paix. Ni villes tombées aux mains des insurgés ni cadavres et encore moins de cadavres. S'il y a eu quelques troubles insignifiants, ce n'est que par la faute d'Al Qaïda et de ses fameux agendas internationaux. Mais il y a bien eu vote d'une résolution au Conseil de sécurité qui devrait lui rendre la vie un peu plus dure ? Le régime de sanctions est nul et non avenu, dixit le Guide, qui ne l'est plus qu'aux yeux de son seul clan. Qu'il éprouve de l'indifférence à l'égard des décisions de la communauté internationale, cela ne change rien à la donne. Les Libyens ne veulent plus de lui et ce ne sont pas les Occidentaux qui vont les contredire. Après le Président Obama, qui a estimé qu'il est temps pour le leader libyen de passer la main, ce sont ses alliés européens qui ne supportent pas de voir Mouammar Kadhafi leur tenir tête. David Cameron est d'avis à ce que le roi obstiné se cherche dans l'immédiat une sortie de secours. Nicolas Sarkozy, qui a dû «débarquer» sa cheffe de la diplomatie et procéder à un remaniement du gouvernement Fillon balayé par les vents de la révolte dans le monde arabe, est entièrement d'accord avec ses pairs : El Kadhafi est redevenu infréquentable et doit partir. Sauf qu'il est inutile de se voiler la face, tout ce beau monde est convaincu que le «Bolivarien du Maghreb» ne bougera pas de sa place. Malgré son intime amitié avec Silvio Berlusconi, Rome a pris acte de l'obsédant entêtement du vieux leader. C'est parce que l'Italie a considéré qu'elle n'a plus d'interlocuteur à Tripoli qu'elle n'a pas hésité une seconde à suspendre le traité d'amitié qui la lie à l'ancienne colonie depuis 2008. Avec, le pacte de non- agression que Mouammar Kadhafi a cru aussi éternel que son régime. Est-ce une raison suffisante pour imaginer déjà des colonnes de fumée qui s'élèveraient derrière les remparts de la forteresse des Kadhafi ? Vu la proximité de la botte et la parfaite connaissance des autorités de Rome de ce qui se passe en Libye, il est vrai que l'Italie est la mieux placée si la poudre venait à sentir très fort du côté de Tripoli. Mais voici que les Libyens, peuple et opposants, se sont prononcés contre toute intervention étrangère. Ce refus ferme n'est pas tombé dans l'oreille sourde de Mme Clinton. Elle a déjà entrepris des contacts avec les insurgés de l'est de la Libye : la Grande Amérique se tient prête à leur fournir n'importe quelle aide. Tout comme l'Union européenne. Les chefs militaires du colonel Kadhafi sauront décrypter d'eux-mêmes le message de la patronne du Département d'Etat US qui a atterri de nuit à Genève pour discuter de la situation en Libye avec les alliés de Washington. Cependant, une question reste en suspens : les insurgés libyens pourront-ils marcher seuls sur Tripoli et vaincre l'armée régulière et les mercenaires du l'ancien officier libre ? Epaulés par les chefs militaires, qui ont fini par choisir leur camp, les anti-Kadhafi devront être les seuls à arracher la victoire qui, après tout, sera la leur. Mais il n'est pas exclu que les forces occidentales viennent en renforts… aériens. Si ce plan venait à être retenu, les puissances de l'Ouest devront d'abord obtenir l'autorisation du Conseil de sécurité afin qu'un embargo aérien soit imposé. Une difficulté diplomatique que l'alliance américano-européenne pourrait bien outrepasser dans le cas où l'opposition armée venait à trébucher sur son long chemin vers Tripoli. A la guerre comme à la guerre.