Il y a des signes de détresse qui ne mentent pas. Kadhafi n'a plus de bureau, son armée chassée de Misrata, les télécommunications coupées entre Syrte et les ports pétroliers tout proches… Seïf El Islam a beau dire que les occupants de Bab El Azizia n'ont pas peur des drones US, le moral des troupes semble au plus bas. Il faut envisager une solution politique dans les plus brefs délais. Autre que celle de l'Union africaine qui ne prévoit pas le départ des Kadhafi, chose que Mme Clinton ne veut pas du tout entendre ? Sous une forte pression psychologique, le régime de Tripoli a fini par se retourner directement vers son allié russe. Le Premier ministre libyen a pris son téléphone et s'est entretenu longuement avec Sergei Lavrov, le chef de la diplomatie russe. Moscou doit absolument jouer un rôle d'intermédiaire dans le règlement du conflit libyen. Autrement dit, la Fédération de Russie ne peut pas se contenter de s'abstenir au Conseil de sécurité ou d'annoncer qu'elle ne soutiendra pas une nouvelle résolution des Nations unies, le Kremlin est de toute façon contre toute intervention militaire terrestre. Alors que Nicolas Sarkozy a donné son accord de principe pour se rendre à Benghazi, probablement en compagnie de David Cameron, Dmitri Medvedev effectuera-t-il un voyage éclair à Tripoli afin de prouver l'attachement de la Russie à se tenir aux côtés de ses alliés du monde arabe qui ne parviennent pas à étouffer la voix de leurs peuples ? Aux dernières nouvelles, le locataire du Kremlin s'est rendu dans la vieille Ukraine soviétique pour commémorer la catastrophe de Tchernobyl. Toutefois, à l'agonie, le régime de Tripoli peut dépêcher un émissaire de haut rang à Moscou, il sera accueilli avec les honneurs. Mais le guide de la Jamahiriya a-t-il intérêt à inviter le gouvernement russe à jouer le rôle du négociateur alors que ce même gouvernement avait constaté, au tout début du conflit, la mort politique du régime de Kadhafi ? L'arbitrage de la Russie, que poutine veut voir devancer économiquement la France et l'Italie dans les dix prochaines années, pourrait être déclaré à son tour mort-né, plus grand monde ne croit en une solution avec le maintien de Kadhafi au pouvoir. Même plus l'Allemagne réunie qui, aux côtés du Portugal, la France et du Royaume-Uni, fait circuler un projet de texte à l'Onu pour une condamnation de la Syrie. S'abstenant dans le cas de la Libye, le père du néo-socialisme arabe se rachètera-t-il en imposant son veto si le projet de résolution venait à être soumis aux quinze membres du CS ? Bien que les deux pays soient ses alliés, il est vrai que la Syrie n'est pas la Libye. Le Kremlin compte bien sur le régime de Damas afin qu'il se dresse tel un rempart devant le grand projet de démocratisation, voire d'occidentalisation, du Moyen-Orient où la Fédération de Russie a des intérêts colossaux à défendre. Notamment, hors pays du Golfe, dont les affinités avec l'Amérique et ses alliés ne sont plus à prouver, et où l'Iran ne parvient toujours pas à étendre son influence via ses frères opposants chiites. Arrivera-t-il à le faire dans l'Irak voisin où le régime de Téhéran est accusé d'être derrière les actuelles manifestations qui réclament le départ des forces US. Au profit de son allié russe qui serait ravi de reprendre ses traditionnelles plates-bandes au bord de l'Euphrate et du Tigre ? Parce que la cible de choix des Occidentaux demeure la République islamique d'Iran que la Fédération de Russie se doit de stopper l'étendue des dégâts en Syrie, quitte à fermer les yeux sur la solution militaire que Bachar Al Assad vient d'adopter brutalement ? Mouammar Kadhafi aurait-il souhaité que le début de la fin du soviétisme arabe soit évité avant que la Libye n'y soit directement concernée ? Il n'est jamais trop tard pour se réconcilier avec l'amère réalité.