Le Guide et ses partisans sont dos au mur. Au lendemain de l'adoption, à l'unanimité, d'une batterie de sanctions sévères par le Conseil de sécurité de l'Onu, notamment un embargo sur la vente d'armes et le transfert du dossier des massacres à la Cour pénale internationale, c'est sur le terrain que les choses se gâtent pour le régime libyen. Ses opposants ont semblé contrôler hier la ville de Zaouiah, limitrophe de Tripoli, où ils ont manifesté par milliers pour réclamer la chute du pouvoir. Alors qu'à l'ouest du pays, les opposants se projettent déjà dans l'après-Kadhafi, leurs frères de lutte ne lâchent pas prise aux portes de la capitale libyenne. Forts du soutien moral de la communauté internationale et bien qu'ils se disent contre toute intervention militaire, les partisans d'une nouvelle Libye ne visent qu'un seul et unique objectif : passer à travers les arcs de défense, sinon de répression, que mercenaires et comités révolutionnaires ne comptent pas abandonner au premier assaut des anti-Kadhafi. D'ailleurs, des hommes cagoulés, présentés comme des mercenaires à la solde du régime, ont été débarqués dans la ville de Misrata pour y faire régner la terreur et le chaos. Après avoir pris pour cible le siège de la radio locale, les hommes de Kadhafi se sont pris à l'arme lourde aux civils qui assistaient aux funérailles de martyrs de la révolution. Cette descente assassine prouve-t-elle à ce point que le clan de Kadhafi est à l'abri, au centre de cercles ultra-protégés qui entourent successivement la forteresse d'El Azizia ? Ils ne seraient pas si impénétrables que l'on puisse l'imaginer. A l'est de la même ville de Misrata, la victoire des partisans du changement se fait nette. Personne n'entre et personne ne sort des villes voisines de Tripoli sans l'autorisation des «insurgés» qui veillent à repousser toute tentative d'héliportage de mercenaires armés jusqu'aux dents. Mais cet état de fait n'est pas de nature à inquiéter Seïf El Islam, le fils de Kadhafi qui, par ses interventions optimistes plus qu'il en faut, nous fait rappeler le porte-parole de l'ancien régime irakien, le proverbial Sahaf. «La situation est excellente dans les trois-quarts de la Libye», a rassuré Seïf El Islam avant d'être trahi par les chiffres du Haut commissariat aux réfugiés, selon lesquels 100 000 ont fui la Libye une semaine. Il ne manquait plus à Seïf El Islam, qui marche sur les traces de Djamel Moubarak, d'affirmer que la Jamahiriya reflète actuellement l'image parfaite d'un havre de paix. Ou que la révolte en marche à travers tout le territoire libyen, à l'exception de la forteresse des Kadhafi, n'est pas à prendre au sérieux. Le jeune orateur peut toujours rire à propos des bombardements et des massacres de civils, mais ce qui demeure vrai c'est que le dossier en question est déjà sur le bureau du procureur de la CPI en vue d'une inculpation pour crimes contre l'humanité. Ce nouveau coup dur sapera-t-il le moral des Kadhafistes au point d'assister à de nouvelles défections au sein même de la garde rapprochée du Guide qui a dû démentir une énième fois sa fuite vers l'étranger ? La saignée se poursuivrait au rythme de l'avancée des révoltés vers Tripoli si le colonel Mouammar ne se décide pas à écouter ce que ses homologues étrangers ne cessent de lui répéter : il est temps de partir honorablement, même si son honneur, il l'a perdu à jamais.