Des mois après le début du conflit en Libye, le guide de la Jamahiriya peut facilement incarner le rôle de seul au monde. Son régime peut annoncer, à sa guise, qu'il n'est concerné ni de près ni de loin par la déclaration finale du sommet du G8, mais il ne peut ignorer le fait qu'il se retrouve définitivement dos au mur. Nicolas Sarkozy qui parle de l'impossibilité d'une médiation, Barack Obama qui promet de finir le travail en Libye ou David Cameron qui évoque une «nouvelle étape» seraient des déclarations de bonne guerre que le guide, sans avenir, peut admettre sans même sourciller. Ce qui est inadmissible à ses yeux consiste en le retournement que la Fédération de Russie vient d'opérer à Deauville. Un pur lâchage qui va saper davantage le moral, au plus bas déjà, du colonel Kadhafi. Non seulement le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, a jugé que Mouammar Kadhafi devait quitter le pouvoir, mais la Russie a fini également par signer la déclaration commune du G8 qui stipule noir sur blanc ce qui suit : «Kadhafi et le gouvernement libyen ne sont pas parvenus à assumer leur responsabilité de protection du peuple libyen et ont perdu toute légitimité. Il n'a pas d'avenir dans une Libye libre et démocratique. Il doit partir». C'est dire qu'il ne peut y avoir plus clair, le vieux colonel, qui a perdu tous ses galons, va devoir se rendre à l'évidence qu'il est déjà en train de marcher sur les traces de Moubarak et de Bel Ali. La capitulation ou le suicide, au final ? Pas encore de réponse précise à cette question. Chose sûre, la mort politique de Mouammar Al Kadhafi, que la diplomatie russe avait évoquée avant même le vote au Conseil de sécurité de l'Onu de la résolution 1973, est confirmée. Le président Medvedev a lâché son ami et a décidé d'envoyer un émissaire auprès de l'opposition à Benghazi. D'autant que les Etats-Unis se sont déclarés favorables à ce que la Russie contribue à résoudre la crise libyenne. Sauf qu'il n'est pas question d'évoquer l'idée même d'un cessez-le-feu avant le départ des Kadhafi père et fils. Dans la course au partage, la médiation russe ne doit, en aucun cas, prendre le dessus sur les efforts militaires consentis par l'Occident. Après tout, ce sont les missiles et les bombes de la coalition qui ont réussi à atrophier les capacités du régime de Tripoli. Il ne se relèvera plus, la deauvillaise marée basse a pris l'infime espoir de sauver le guide de sa propre déroute sanguinaire. Décidera-t-il de se réfugier en Serbie en contrepartie d'une suspension ou d'une annulation du mandat d'arrêt de la Cour internationale de justice pour présumés crimes contre l'humanité ? Le locataire de la résidence de Bab Al Azizia, du moins ce qu'il en reste, n'a plus qu'un songe : rester en Libye. C'est vrai que la déclaration finale du G8, à laquelle la Russie a joint sa voix et sa signature, s'est limitée à exiger de Kadhafi de quitter le pouvoir, ne précisant pas s'il doit quitter la Libye. Toujours est-il que Dmitri Medvedev n'a pas perdu le nord à Deauville. En plus d'avoir exigé le départ de Kadhafi, le locataire du Kremlin a, par ailleurs, invité le président syrien, Bachar Al Assad, à passer du discours réformiste aux actes démocratiquement palpables. En d'autres termes, il peut encore saisir la chance de conduire en personne les réformes. S'il s'y refuse, son allié russe pourrait bien se retrouver dans l'obligation de se rallier à l'Occident qui continue de crapahuter derrière un consensus international afin que le régime de Damas soit condamné pour sa répression sanglante contre un peuple que l'on ne savait pas jusque-là «terroriste». Vu cet intense rythme diplomatique, le niveau d'alerte en Iran et au Liban est au plus haut.