«Dans son rapport 2010 sur l'épidémie mondiale de sida, l'Organisation des nations unies de lutte contre le VHS /sida (Onusida) a classé l'Algérie comme pays à profil épidémiologique bas, avec une séroprévalence de l'ordre de 0,1%», nous apprend notre collègue Ilham Tir dans l'un des articles de l'excellent dossier qu'elle a consacré au sujet et publié dans notre édition d'hier. Avec 1198 atteints du sida et 5087 séropositifs «déclarés», l'Algérie peut à l'évidence revendiquer l'exemplarité en matière de prémunition contre une maladie qui a la caractéristique de se développer généralement dans des proportions équivalentes au niveau de développement de chaque pays. Comme on dit dans le jargon du foot, ce procédé d'évaluation n'est pas une science exacte, mais il reste une science quand même. Du moins on n'en est pas très loin. Le problème est que l'écart entre une science exacte et une science quand même peut être énorme. Il l'est déjà suffisamment dans la précision «déclarés», mais il n'y a pas que cela. Tout le monde sait que le nombre d'algériens qui vont au dépistage spontanément ou après une alerte suspecte est insignifiant. Pour le sida un peu plus que pour d'autres maladies, l'algérien à la réputation d'avoir peur de la découverte de son mal plus que du mal lui-même. A ce titre, il est encore heureux, si le mot n'est pas trop mal placé en l'occurrence, que le sida s'accompagne de «maladies opportunistes». Une sorte de dégâts collatéraux pour lesquels on est obligé d'aller consulter un médecin avec moins d'appréhension, parce qu'ils seraient moins honteux que le sida qui en a pourtant généré la réaction en chaîne. Vient ensuite le deuxième «niveau d'information». Les autorités sanitaires, plus enclines à jouer les imams que les hommes de sciences, se croient systématiquement obligées de cacher quelque chose. Elles déploient alors un trésor d'efforts à minimiser l'ampleur du mal au lieu de révéler les choses telles qu'elles sont réellement, du moins dans les termes qui sont en leur possession. Et quand on sait que l'Onusida ne publie que ce qu'on veut bien lui donner, que des étudiantes qu'on sondait il n'y a pas si longtemps pensaient se protéger de la maladie en prenant la pilule contraceptive, que le préservatif se vend avec autant de «discrétion» que la cocaïne, que le sida est assimilé à la couleur de la peau, que des dentistes refusent de soigner les sidéens pour ne pas contaminer leur matériel, que le sida n'est pas considéré comme une maladie chronique - l'unique façon légale d'obtenir des médicaments gratuits -, on se rend compte de l'ampleur du péril. Pas seulement celui de la maladie, mais surtout de l'indigence des moyens les plus élémentaires pour la combattre. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir