Il n'y a jamais eu autant de perturbation dans le déroulement des épreuves du baccalauréat que cette année. Des candidats ont été déstabilisés, ce qui a influé négativement sur leur concentration avant chaque épreuve. Fuite ou pas fuite des sujets, c'est la question qui taraudait l'esprit des candidats ne sachant plus qui croire. «J'ai reçu un appel hier soir me disant : prend un stylo et une feuille, je te dicte le sujet de l'épreuve de physique de demain (hier ndlr). J'ai effectivement pris un stylo et une feuille et j'ai pris note, je peux dire que les questions que j'ai reçues sont celles de l'épreuve. Fuite ou simple pronostic, je ne sais pas», nous a indiqué un candidat rencontré au lycée Hamia de Kouba. Un enseignant qui était présent, venu soutenir ses élèves, a fait savoir que «ce genre de pratique n'est pas nouveau. Il y a eu par le passé des cas similaires, mais il est quasiment impossible de prouver ces fuites, car on dit souvent que c'est le fruit d'un pronostic et de déduction». Les parents d'élèves sont les plus touchés et les plus stressés quant à cette histoire de fuite des sujets du bac. Les quelques parents que nous avons rencontrés à la sortie de l'examen de physique étaient en colère. «Je suis vraiment en colère contre ces gens qui veulent détruire l'avenir de nos enfants, fuite ou pas fuite de sujets, cela ne concerne pas le candidat, appelé à travailler uniquement s'il veut arracher cette précieuse clé», a tonné le père d'une candidate. Un autre parent a ajouté, en colère : «Mon fils a été perturbé. Il a eu ses amis au téléphone et certains d'entre eux lui ont carrément dit que le bac va être refait à cause d'ene fuite de sujets. Ce genre de manipulation ne peut venir d'un lycéen, mais de gens bien placés qui veulent nuire en sacrifiant nos enfants.» Facebook et les faux sujets Les années précédentes, les candidats, les parents et même le citoyen lambda parlaient de la fuite des sujets du baccalauréat. Cette année, l'évolution technologique a accentué les choses. Sur Facebook, un réseau social très prisé par les Algériens, des sujets supposés sont même affichés sur les «murs» de certains internautes et partagés par des centaines de candidats. «J'ai eu vent de la fuite des sujets à travers Facebook, il y a eu même des montages qui ont été faits pour donner l'impression que c'est réellement le sujet du lendemain. Difficile de ne pas croire», a estimé Nacer, candidat au baccalauréat filière sciences. Un autre candidat dira : «Facebook a répandu la nouvelle à la vitesse de la lumière, certains internautes malintentionnés ont fait des montages de sujets sur la base de questions probables et les ont balancés sur Facebook. Pour ne rien vous cacher, je suis l'une des victimes de cette farce dangereuse.» Les enseignants rencontrés devant les centres d'examens se disent outrés et scandalisés par ce genre d'acte. «Il n'est pas permis de prendre l'avenir d'un million de candidats au baccalauréat pour un jeu. Nous avons effectivement donné des idées sur les sujets qui peuvent faire l'objet de question, mais cela nous concerne nous en tant qu'enseignants et nos élèves savent que ce sont des orientations uniquement». Un autre enseignant qui est à sa dernière année d'enseignement a estimé que «Facebook et les autres réseaux sociaux sont à l'origine de cette perturbation qui peut être fatale aux candidats. Il faut savoir que l'état psychologique d'un candidat est très faible et il peut suivre la moindre piste susceptible de le mener vers la réussite, mais quand cette piste est fausse, le candidat se retrouve face à un mur et là ça fait des dégâts.» Des parents d'élèves n'ont pas mâché leurs mots. Ils se sont attaqués à la tutelle, aux organisateurs de cet examen mais aussi aux réseaux sociaux. «Il faut que l'Etat prenne ses responsabilités et punisse les instigateurs de cette campagne.» Les candidats quant à eux se disent «perdus» et ne savent plus quoi penser ni quoi faire, pour reprendre les propos d'une brillante élève. «Il faut boucher ses oreilles et se concentrer uniquement sur l'examen. Celui qui travaille bien aura son bac. Les autres n'ont qu'à s'en prendre à eux-mêmes.» Les enseignants correcteurs veulent être mieux rémunérés Comme l'année précédente, les enseignants mobilisés pour la correction des examens du baccalauréat de la wilaya de Tizi Ouzou, prévue à partir du 23 juin, n'ont pas manqué d'afficher leur mécontentement quant au maintien des montants de la correction. La somme de 33 dinars seulement pour une copie corrigée est considérée très insignifiante par rapport aux efforts que l'enseignant doit fournir. Selon Hadjam Achour, coordinateur du Snapest de la wilaya de Tizi Ouzou, que nous avons contacté à ce sujet, ce problème a été posé au ministère de l'Education lors de leur dernière rencontre, mais «rien n'est fait pour cette année encore malheureusement, et pourtant nous avons eu des garanties de la part des responsables du secteur éducatif concernant la révision des montants de la correction», regrette-t-il. Aucune action de protestation n'est envisagée par les enseignants. «Malgré que notre revendication n'est pas satisfaite, nous allons quand même aller à la correction dans l'intérêt des candidats. Mais nous n'allons pas nous taire et nous continuons à exiger au ministère de revoir les montants de la correction pour les prochaines sessions. Les sujets des matières comme l'histoire, la géographie, la physique contiennent plus de 4 copies et prennent beaucoup de temps pour leur correction, et tout ça pour 33 dinars. C'est vraiment indigne et c'est un autre mépris envers les enseignants !», Ajoute notre interlocuteur. Pour le représentant du Snapest, même si la revendication de la hausse du montant de la correction n'est que secondaire devant par exemple celle des régimes indemnitaires, ils ne comptent pas baisser les bras. A signaler, en outre, qu'en moyenne, un enseignant corrige 100 copies d'examen par jour. La durée de la correction prend entre 8 et 10 jours. Au total, chaque enseignant corrige environ 900 à 1000 copies chaque année dans des conditions généralement pénibles.
Les surveillants dénoncent la qualité de la nourriture servie dans les centres d'examen à Oran Les enseignants surveillant les épreuves du baccalauréat au niveau du centre Hamou Boutlélis à Oran ont refusé, depuis le premier jour de l'examen, de prendre les repas qui leur ont été servis. Mardi, ils avaient rédigé une lettre de protestation qu'ils avaient adressée à la direction de l'éducation pour protester contre la qualité des repas, préparés par un traiteur. «Même les chiens refuseraient de manger cette nourriture. Le ministère de l'Education a bien dégagé des fonds pour la restauration et vous voyez ce qu'ils nous servent. Des repas froids servis dans des couverts en plastique et recouverts d'une feuille d'aluminium à la qualité douteuse», dira une observatrice venue d'Alger. Cette dernière, qui est hébergée pendant sa mission à Oran au lycée Heddam de la cité USTO, avouera que les surveillants ont refusé, dès le premier jour, les repas servis à midi. «Nous avons avisé le chef de centre mais la qualité est restée la même. Ce n'est pas normal, manger chaque jour dans une pizzeria n'est pas à la portée de toutes les bourses. Allez demander à la gargote du coin, il vous dira que nous sommes devenus ses clients depuis le premier jour du bac», avouera-t-elle. D'autres surveillants lui emboîtent le pas pour dénoncer eux aussi les prestations du traiteur. «Il y a deux ans, des surveillants du lycée Pasteur ont été victimes d'une intoxication alimentaire à cause des repas servis par un traiteur et voilà que la direction de l'éducation remet ça en sollicitant le même traiteur, ce n'est pas normal», affirment-ils, avant de préciser qu'ils se sont refusés de réagir dès le premier jour pour ne pas perturber le bon déroulement de l'examen. Contacté, le chargé de la cellule de communication au niveau de l'académie exprimera son étonnement. «Ce n'est pas le même traiteur et nous n'avons reçu aucune lettre de protestation. Ce sont les mêmes repas qui sont servis au niveau des autres centres et nous n'avons pas reçu de réclamation», dira-t-il. Ce dernier, qui fera remarquer que des cercles occultes usent, à l'occasion de cet examen du bac, de rumeurs et de désinformation, tentent de chahuter la sérénité qui a marqué les épreuves. «Nous veillons à la qualité de la nourriture offerte aux surveillants. On ne peut pas servir n'importe quoi puisque nous payons la prestation», précisera-t-il. Sur un autre plan, des candidats du centre de Hamou Boutlélis, filière sciences, ont fait état de restriction concernant les copies d'examen. «On nous conseille de n'utiliser qu'une seule feuille pour les réponses au motif que le stock risque de s'épuiser, alors que nous payons 1500 dinars pour les frais d'examen. Ce n'est pas normal.» La même situation a été vécue par les candidats de la filière littérature et langues, du lycée Ibrahim Tazi. Plusieurs ont affirmé que les surveillants leur conseillent de veiller à n'utiliser qu'une seule feuille pour les réponses au motif que le stock disponible au niveau du centre est insuffisant. Le chargé de la communication au niveau de l'académie fera remarquer que les commandes des chefs de centre ont été régulièrement honorées. «S'il existe des cas particuliers, je n'en ai pas eu connaissance», fera-t-il remarquer. Par E. Melbouci , F. Ben et A. Igoudjil