Le débrayage illimité du personnel médical spécialisé dans l'anesthésie et la réanimation, déclenché en parallèle avec celui des médecins résidents, a été à l'origine d'une anarchie totale et notamment du report de centaines d'interventions chirurgicales, programmées quotidiennement au niveau des hôpitaux de la capitale. Après des grèves cycliques de deux jours (mardi et mercredi) observés chaque semaine depuis le mois de mai, les anesthésistes ont entamé une grève ouverte depuis le 7 du mois en cours, afin d'exiger le traitement de leur statut particulier et une couverture juridique. Des doléances «légitimes», car comme l'explique Karim, anesthésiste au CHU de Kouba, leur corporation travaille de manière anarchique, sans savoir exactement ses taches. «Nous assurons le travail d'anesthésiste et celui de médecin réanimateur, dont la présence est indispensable», a-t-il indiqué. Les fautes médicales sont, selon lui, endossées par les anesthésistes, car ils ne sont pas couverts sur le plan juridique. Il affirme que «plus d'une quinzaine d'interventions chirurgicales programmées quotidiennement sont reportées», causant de graves conséquences sur la santé des malades. Selon lui, la grève a été largement suivie, particulièrement au niveau de son hôpital, où les 15 anesthésistes exerçant ont répondu favorablement. Le service minimum est, toutefois, assuré. «Les cas urgents sont tout de suite pris en charge par l'anesthésiste de garde», souligne notre interlocuteur, qui regrette que la tutelle n'ait pas pris en charge les revendications soulevées. Il précise que les «drames» sont rares, mais l'accident survenu à Annaba, où un des leurs a été condamné, a déclenché la révolte de la corporation déterminée à exiger ses droits socioprofessionnels. «Nous voulons travailler de manière réglementaire et non comme des hors-la-loi», a-t-il fait savoir, ajoutant que des délégués ont consulté un procureur général, lequel leur a confirmé l'illégalité de leur métier. Les malades dénoncent, pour leur part, les «agissements irresponsables» du personnel médical, qui n'hésite pas à «mettre en danger la vie des citoyens, pour atteindre leurs objectifs». Cette année, souligne Zeineb, souffrant d'une maladie chronique, «le personnel médical n'a pas du tout travaillé. Les grèves se sont multipliées. Résultat, nous sommes obligés d'aller vers le privé, qui affiche des tarifs dépassant l'entendement». Le programme chirurgical paralysé Dans une virée effectuée au CHU Nefissa Hamoud, ex-Parnet à Hussein Dey, un contestataire a affirmé, pour sa part, que le programme chirurgical est paralysé à tous les niveaux. «Les anesthésistes ont décidé d'aller jusqu'au bout de leurs revendications, et ce, en dépit des intimidations de l'administration et les ponctions sur salaires opérées, dans le but «de casser le mouvement de grève», indique-t-il. Il regrette également que le mouvement n'ait pas été totalement suivi dans tous les établissements sanitaires. Il espère que cette action trouvera écho et aura des retombées positives sur la corporation. «Nous voulons de meilleures conditions de travail. Nous voulons juste travailler dans les règles. Est-ce trop demander ?», s'interroge notre interlocuteur qui annonce sa participation, aujourd'hui, au rassemblement devant le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière. Par ailleurs, le suivi du mouvement des anesthésistes du CHU de Ben Aknoun est mitigé. La plupart du personnel spécialisé a préféré ne pas répondre à l'appel du collectif des auxiliaires médicaux en anesthésie et réanimation (Camar). Même convaincus de la légitimité de la plateforme des revendications, ils ont préféré ne pas débrayer, afin de ne pas pénaliser les malades. Ils préfèrent temporiser, selon Djamel, anesthésiste dans le même établissement. Il rappelle que le statut soumis à la tutelle et à la Fonction publique n'est en aucun cas celui qui a été signé par la commission mixte (ministère de la Santé-collectif des anesthésistes). «Nous avons finalisé le statut les 3 et 4 avril et, selon nos informations, le 28 mai la tutelle a adressé sa propre version du statut à la Fonction publique», a fait savoir l'intervenant. Les anesthésistes-réanimateurs ont, ainsi, mis en exécution leur menace, en radicalisant leur mouvement de grève. Ils menacent actuellement de descendre dans la rue et d'organiser plusieurs sit-in à l'échelle nationale. A rappeler qu'outre les requêtes de la corporation, les contestataires demandent à ce que leur corporation soit séparée carrément du corps des paramédicaux, la mise en place d'un corps indépendant du personnel spécialisé dans l'anesthésie et la réanimation, et le prolongement de la période de formation de trois à cinq ans, tout en créant un institut supérieur pour assurer leur formation. En plus de cela, ils demandent à être promus de la catégorie 11 à la catégorie 13 dans l'échelle des salaires de la Fonction publique.