Le dirigeant libyen Maamar Kadhafi a appelé jeudi à une «réunion d'urgence» du conseil de sécurité de l'ONU pour mettre un terme aux bombardements de l'Otan alors que les initiatives diplomatiques étrangères se poursuivent en vue d'un règlement politique du conflit libyen. Dans un discours adressé à son peuple, il a demandé au Conseil de sécurité de l'ONU de prendre une décision pour «un arrêt immédiat des actes de violence» en Libye, ajoutant qu'«en cas d'échec du Conseil de sécurité dans cette mission, l'Assemblée générale se chargera de convoquer cette réunion pour faire arrêter cette agression barbare». Les bavures des raids de l'Otan tuant des civils ont été dénoncées par la communauté internationale et même des membres de la coalition. L'Italie a jeté un pavé dans la mare en dénonçant les raids contre les civils et l'enlisement du conflit qui a fait depuis le 15 février des milliers de morts. Son ministre des Affaires étrangères a estimé que «la suspension des actions armées est fondamentale pour permettre une aide immédiate» en Libye. Une proposition aussitôt rejetée par la France, pour qui une pause risquerait de permettre à Kadhafi «de se réorganiser». Le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, a assuré que les opérations allaient «continuer» pour éviter que «d'innombrables civils supplémentaires perdent la vie». Dans un message audio diffusé par la télévision libyenne, le guide libyen a lancé un nouveau message de défi à l'Otan, qu'il accuse de tuer les enfants et les civils. Un raid aérien mené le 20 juin à Tripoli a causé la mort de 15 personnes. Les frappes de l'Otan, selon les chiffres de l'ONU, ont fait des centaines de morts et poussé près de 750 000 personnes à fuir le pays. Sur le terrain, même si les informations sont contradictoires en fonction de leurs sources, la situation militaire semble tourner en faveur du régime, jugent les dirigeants libyens. Ils estiment que les rebelles ont démontré qu'ils n'avaient pas les moyens de s'avancer vers la capitale. Ils sont aussi persuadés que le temps travaille pour eux et Kadhafi parie sur l'enlisement et sur les divisions de l'Otan, ainsi que sur une éventuelle lassitude des opinions publiques occidentales. «La guerre contre la Libye changera l'Otan», affirmait Seïf Al Islam, le fils préféré du Guide. Gardant un œil sur les débats au Congrès, le régime libyen estime pouvoir négocier avec Washington, «dont la position est plus modérée». Une guerre onéreuse Cette «guerre» a coûté aux forces françaises 87 millions d'euros et 260 millions de livres sterling à la Grande-Bretagne, un montant qui pourrait ne pas laisser indifférentes les classes politiques de ces pays. Devant ce «surcoût financier considérable», les chefs d'état-major de l'air comme ceux de la marine ont tiré la sonnette d'alarme, car, selon eux, «si l'opération militaire se prolonge encore plus, ils auront rapidement des problèmes de «ressources humaines» et de «régénération des forces et du matériel». Pour leur part, le président russe, Dmitri Medvedev et son homologue sud-africain Jacob Zuma, ont examiné lors d'un entretien téléphonique, les mesures à entreprendre pour désamorcer la crise en Libye. Ce dernier et son homologue malien Amadou Toumani Touré, ont appelé à «l'arrêt immédiat des hostilités» dans ce pays et à «l'assistance humanitaire aux populations victimes de violences» et à «l'instauration rapide d'un climat de dialogue politique». Par ailleurs, les pros Kadhafi soutiennent que l'issue militaire et politique du conflit se joue à Misrata. L'insurrection intérieure, souhaitée par l'Otan, ne s'est pas concrétisée jusqu'ici. Une certaine tension règne tout de même à Tripoli, qui a connu quelques nuits agitées jusqu'à ces deux derniers jours. Des rafales d'armes automatiques se faisaient entendre. Contacts indirects entre rebelles et autorités libyennes A en croire le porte-parole du Conseil national de transition (CNT, principale instance de l'opposition libyenne, les rebelles libyens ont des contacts indirects avec des représentants des autorités de Tripoli. Il affirme à un journal français que des contacts indirects sont en cours par le biais d'intermédiaires en Afrique du Sud ou à Paris. «Nous évoquons avec eux les mécanismes du départ de Kadhafi», poursuit le porte-parole du CNT, réaffirmant que la participation du leader libyen et de membres de sa famille à un futur gouvernement est «totalement exclue». «Nous ne voyons pas d'inconvénients à ce qu'il se retire dans une oasis libyenne, sous contrôle international», a-t-il ajouté. 1800 personnes seraient mortes en Méditerranée Sur le chapitre des réfugiés en provenance de Libye et de Tunisie, Amnesty international-France (AIF) a déploré jeudi l'attitude «honteuse» des autorités françaises qui maintiennent leur refus d'accueillir des réfugiés venant des deux pays. L'ONG rappelle que la France invoque «la crise de l'asile et la saturation des capacités d'accueil» et privilégie «des solutions régionales de protection» dans des pays comme l'Egypte et la Tunisie. «Alors que, depuis le début de la crise, environ 1800 personnes seraient déjà mortes en traversant la Méditerranée, d'autres continuent à risquer leur vie sur des embarcations de fortune pour tenter de rejoindre l'Europe», déplore l'AIF qui a qualifié cette position d' «inacceptable» et que toutes les raisons avancées sont contradictoires et finalement révèlent l'absence totale de volonté politique pour protéger les réfugiés fuyant la Libye.