L'été est arrivé dans toute sa rigueur. De prime abord, c'est la période des vacances, des mariages, des sorties et des soirées en plein air, des escapades au bord de la mer ou à la montagne. Mais dès son arrivée, on se heurte à un véritable casse-tête : comment passer ses vacances ? Où aller ? A quel prix ? Pour la majorité, et c'est le cas de le dire, les vacances sont un mot d'une autre langue qu'on n'arrive pas à pénétrer. Ou au mieux cela signifie aller à plage le temps d'une journée et s'offrir un petit moment de répit bien mérité. Même si la question où aller semble de prime abord anodine, elle reste au fond d'une incroyable complexité, car il faut aujourd'hui se poser la question de savoir quel est le profil de cet Algérien qui peut s'offrir un séjour, un circuit… notamment dans ces régions du pays profond comme la Kabylie. Manque flagrant d'infrastructures De par la variété de ses richesses naturelles, la wilaya de Tizi Ouzou est considérée comme une région qui offre de nombreuses opportunités touristiques. Son potentiel naturel est riche. Il alterne entre un tourisme culturel, balnéaire et montagneux En opposition à cette richesse naturelle, se dresse la pauvreté des infrastructures, notamment hôtelière. Des villes balnéaires comme Tigzirt et Azeffoun ne disposent respectivement que de trois et quatre hôtels, alors que les capacités d'accueil au niveau de la wilaya ne sont que de 1213 lits, ce qui est très loin de répondre au flux des vacanciers qui dépasse annuellement le million de personnes. une bonne partie opte pour des vacances en France A Tizi Ouzou, on compte treize agences de tourisme et de voyages, dont dix au chef-lieu de wilaya et 3 autres à Tigzirt, Azazga et Larbaâ Nath Irathen. Cependant, ces agences ne jouent guère leur rôle et se limitent dans la plupart des cas à la billetterie, réduisant du coup la notion de tourisme à son expression la plus simple. Dans la quasi-totalité des agences où nous nous sommes rendus, nous avons remarqué que la plupart des clients viennent pour l'achat d'un billet d'avion, notamment pour la France. Rares sont ceux qui y viennent pour se renseigner sur les prix des séjours dans des hôtels en bord de mer. Un séjour d'une semaine à Béjaia, à titre d'exemple, coûte plus de 85 000 DA en demi-pension. Résultat : les potentiels vacanciers se tournent vers les méthodes directes et les circuits traditionnels. Mêmes ceux issus des couches moyennes ou ceux plus aisés ne se bousculent pas au portillon. Le gérant d'une agence relève que la tendance commence à changer. Il dira que de plus en plus d'émigrés s'intéressent aux séjours dans des hôtels. «Notre clientèle est surtout composée d'émigrés». Les émigrés, avec un taux de change de l'euro qui frise les 140 % sur le marché parallèle optent pour les hôtels. A titre d'exemple, certaines agences proposent un séjour de 5 jours et quatre nuits pour une personne, dans un hôtel classé 1 étoile à Béjaia, pour 35000 DA. Dans la ville côtière de Tigzirt, le Mizrana, le seul et unique hôtel classé 3 étoiles, propose la nuitée à 9000 DA pour trois personnes durant le mois de juin, tel que nous l'avons appris d'un préposé à la réception. «Pour le mois de juillet, ce sera 10 000 DA pour la même offre et nous sommes déjà complets. Certaines réservations ont été faites depuis des mois déjà et un grand nombre sont des émigrés», nous dira-t-il. Dans la même ville, un hôtel classé 1 étoile propose une nuitée pour un couple à 3000 DA. Et les prix risquent d'augmenter encore. La raison ? L'arrivée du mois de Ramadhan qui coïncide avec le début du mois d'août, fait monter les enchères non seulement chez les hôteliers, mais aussi chez les particuliers qui cèdent leurs appartements et villas durant cette période. On loue son appartement ou sa villa à prix... d'or A Tigzirt, ils sont de plus en plus nombreux à rentrer au village et louer leur appartement, question de se remplir les poches. En effet, à Tigzirt tout le monde parle de cet émigré qui a loué un appartement à la cité «bungalows» pour la somme de 70 000 DA pour une durée de dix jours. Ce type de location fait de nombreux heureux, aussi bien parmi les agents immobiliers que les propriétaires. Un agent immobilier qui n'arrête pas de se frotter les mains, dira fort à propos : «Ils sont de plus en plus nombreux à nous solliciter pour ce type de location. Les vacanciers évitent de réserver dans des hôtels et optent pour cette formule. Les prix sont plus au moins abordables. Nous louons par exemple des F4 pour un week-end complet à raison de 3000 DA en dehors de la ville, 6000 DA au centre-ville et 2000 DA dans certains lieux comme aux alentours de Sidi Khaled», ajoutera notre interlocuteur qui, comme tous, regrette que la durée de la saison soit écourtée. Des vacances chez grand-mère Si pour ceux qu'on peut considérer comme des privilégiés les vacances coûtent déjà trop cher, pour d'autres, la question n'effleure même pas l'esprit. Les priorités sont ailleurs. Saïd, père de quatre enfants, travaille à l'agence Actel de Tizi Ouzou où il habite. Questionné sur les vacances, il dira tout simplement : «Ce n'est pas que je ne veux pas offrir des vacances à mes enfants, mais c'est une chose qui m'est impossible. Mon salaire suffit à peine à nous faire vivre et le Ramadhan est à nos portes. En plus des fêtes qui sont aussi coûteuses, et juste après, c'est la rentrée scolaire. Déjà avec ça, il est quasi certain qu'on va s'endetter. Comme voulez-vous parler de vacances dans ces conditions ?» regrettera-t-il. D'autres se contentent de prendre leurs enfants à la mer deux ou trois fois durant le mois. «Avec deux enfants, cela me coûte 500 DA en frais de transport aller-retour Tigzirt-Tizi Ouzou, environ 1000 DA pour la restauration, la location d'un parasol, les glaces et tout le reste. En tout, cela varie entre 2000 et 2500 DA pour une sortie simple à la plage. Si vous multipliez par trois, cela sera 8000 DA», précisera Lounès. Cela ne coûte pas moins cher pour ceux qui ont des véhicules. C'est pourquoi on opte aussi pour des vacances chez grand-mère ou chez la famille. Cela permet aux enfants de changer d'air. En tout cas s'offrir des vacances est un luxe qui est inaccessible pour bon nombre de personnes ; d'ailleurs, on préfère parler plus d'estivants et de visiteurs que de vacanciers proprement dits.»