Les opérations que l´armée mauritanienne mène ces derniers jours contre l´une des bases d'Al Qaïda au Maghreb (Aqmi), dans le nord du Mali, se poursuivent apparemment avec succès. Une quinzaine de membres d'Aqmi ont été tués et une douzaine d´autres faits prisonniers puis transférés vers une prison de Bamako au cours de violents affrontements dans ce désert incontrôlable et inhospitalier s´étalant sur des millions de km2. Ce résultat provisoire d´une opération de ratissage que Nouakchott déclare vouloir inscrire dans la durée, n´est pas cependant le meilleur bilan que les experts font de la nouvelle approche de la lutte antiterroriste au Sahel. Les pays de la région, l´Algérie, la Mauritanie, le Mali et le Niger, qui ont toujours agi séparément sur ce plan, ont développé depuis la réunion des chefs d´états-majors de Tamanrasset une nouvelle stratégie qui permet aux armées des Etats membres de ce pacte de poursuivre les terroristes sur le territoire du pays voisin. Jusque-là Aqmi frappait dans le Sud algérien et se repliait impunément vers ses bases de Kidal, dans le nord du Mali et faisait de même en Mauritanie ou au Niger où elle se livre aux prises d´otages de ressortissants occidentaux qu´elle libère ensuite, moyennant paiement de rançons par les gouvernements des pays d´origine des otages. L´armée mauritanienne a, certes, empêché cette organisation terroriste d´installer la nouvelle base de Ouagadougou, près de la frontière mauritanienne, dont elle avait besoin pour se rapprocher de la côte atlantique. La côte-ouest africaine est devenue ces dernières années la zone de transit de grandes quantités de drogue en provenance d´Amérique latine et du Maroc, destinées au marché européen, qui lui permet de prélever un impôt pour financer le trafic d´armes à destination de l´Algérie. Le plan de Tamanrasset L´opération militaire de l´armée mauritanienne, toujours en cours, revêt toutefois une valeur de test pour la fiabilité des accords liant les quatre pays de la région qui ont mis en place à Tamanrasset un commandement opérationnel conjoint de leurs états-majors pour coordonner la lutte commune contre le terrorisme. Il est donc significatif que la Mauritanie a mené une opération militaire «en dehors de ses frontières», sans l´appui logistique de la France, comme ce fut le cas il y a quelques mois. La présence directe de l´ancienne puissance coloniale sur le champ de bataille, qui vise d´autres objectifs que ceux des pays de la ligne de front, avait donné ses meilleurs arguments à l´organisation terroriste de Ben Mokhtar et Abou Zeid, pour appeler à l´intensification de la guerre «contre les croisés». Désormais, la lutte anti-Aqmi se conçoit sans assistance militaire étrangère directe, comme l´a toujours réclamé l´Algérie. On ignore si les troupes maliennes ont apporté un appui à cette opération menée par une unité d´élite mauritanienne au moment où, fait très significatif, le président Mohamed Uld Abdelaziz effectuait une visite de travail en Afrique du Sud. Ces mêmes experts voient là la meilleure preuve que le commandement opérationnel mis en place à Tam a une autonomie d´action qui le met à l´abri des lenteurs des consultations entre les gouvernements. La Conférence d´Alger Ce n´est pas la première fois qu´une armée de la région poursuit les terroristes dans le territoire d´un pays voisin. L´armée algérienne a, depuis de longues années, apporté un soutien logistique actif et conséquent aux troupes maliennes, notamment aérien. La presse a fait état, ces derniers temps, de la destruction par des unités d´élite de l´ANP de convois de trafic d´armes de Aqmi aussi bien dans l´extrême sud algérien que dans le nord du Mali, grâce à cette étroite collaboration régionale qui se met en place. Cette forme de coopération a été saluée par les Etats-Unis qui voient dans l´Algérie le partenaire essentiel dans la lutte contre Al Qaïda dans la région du Maghreb-Sahel. Elle sera élargie, dans les mois à venir, à la contribution des puissances militaires internationales qui siègent au Conseil de sécurité de l´ONU. Outre les Etats-Unis qui ont mis en place un commandement miliaire (Africom) dans la zone, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni et la France ont annoncé leur participation à la Conférence sur le terrorisme qui se tiendra en septembre prochain à Alger, aux côtés des quatre pays de la première ligne de front. Leur appui à la nouvelle stratégie de collaboration régionale sahélo-saharienne pourrait empêcher Aqmi d´ouvrir de nouvelles bases qui menaceraient jusqu´à la sécurité des pays du sud-ouest de l´Europe.