C'est dans sa baraque de fortune, à la cité M'kasseb sur les hauteurs de la ville de Jijel, que nous avons rencontré le père de famille qui s'est immolé la semaine dernière devant le siège de la daïra de Jijel, en faisant subir le même sort à sa femme et sa fillette de 3 ans pour réclamer contre son exclusion de la liste des bénéficiaires de 511 logements sociaux. Leurs jours n'étant pas en danger, les trois membres de la famille ont quitté l'hôpital après trois jours d'hospitalisation. Dans cette favela qui n'a rien à envier à celles de Rio de Janeiro, au Brésil, les constructions en tôle et en parpaing et l'inexistence d'un réseau d'assainissement compliquent davantage le quotidien des occupants. Un bidonville qui a surgi de la misère de l'exode rural et où la mal vie se conjugue à tous les temps. Il compte aujourd'hui plus de 30 familles entassées pêle-mêle dans des conditions d'insalubrité et de précarité insoutenables et désespérantes. Les habitants de ce taudis sont confrontés à d'énormes difficultés générées par le manque de commodités essentielles comme l'eau potable, ce qui les contraints à s'approvisionner à partir de fontaines collectives non contrôlées. Des égouts à ciel ouvert empestent l'atmosphère particulièrement en cette période de grandes chaleurs. Ce ghetto est devenu une véritable aubaine pour toute une faune errante faite de chiens, chats, rats et nombre de marginaux et où sévissent les maux sociaux les plus néfastes. Les épidémies telles que la typhoïde font des victimes en hiver comme en été. Les habitants vivent les rigueurs des saisons sous la tôle. Les jours de pluie, par peur d'être emportés par les eaux, de nombreux pères de famille sont obligés de rester chez eux pour surveiller l'état de leurs demeures, explique Ammar. Interrogé sur l'évolution de sa situation, Ammar dira, les larmes aux yeux : «Le chef de daïra est venu jusqu'ici. Il m'a fait des promesses. Le maire de Jijel en a fait autant, mais moi ma réponse est simple et tranchante : si je n'ai pas de logement, je vais m'immoler avec ma famille une deuxième fois. Je n'ai rien à perdre.» Contacté au téléphone, le responsable de la daïra a affirmé que «le père de famille a été convoqué. Nous avons promis à la victime qu'une autre commission d'attribution de logements de la daïra va être dépêchée chez lui pour revoir sa situation au cours de cette semaine. Et d'affirmer que «si son cas s'avère critique, il sera parmi les prochains bénéficiaires des 80 logements sociaux qui vont être attribués bientôt». Du côté de la sûreté de wilaya, nous avons appris que l'enquête suit son cours pour déterminer les circonstances exactes de ce qui aurait pu être un terrible drame.