L'économiste Abdelhak Lamiri répond dans un entretien express à nos questions sur les effets de la dégradation hier de la note souveraine américaine par l'agence de notation Standard & Poor's. L'expert, qui a vécu aux Etats-Unis d'Amérique où il a obtenu son diplôme de doctorat d'Etat en management, estime que l'ère du dollar est révolue et qu'il va falloir trouver d'autres monnaies de réserve. Quant à l'impact de la crise de la dette américaine sur l'économie algérienne, il a indiqué qu'elle aura un effet positif et négatif à la fois. L'annonce par l'agence de notation Standard & Poor's de la dégradation de la note souveraine américaine a fait l'effet d'une bombe au sein de la communauté internationale. Quelle est votre analyse ? Abdelhak Lamiri : Il existe des paramètres américains qui sont positifs et d'autres qui sont négatifs. L'économie américaine est très développée. Les fondamentaux de base de l'économie américaine sont bons. L'innovation, la recherche, la qualité de l'enseignement sont en bonne santé. Mais il y a toute l'architecture financière qui dérape et qui fait que l'économie américaine devient fragilisée par la faiblesse et le non contrôle de son système de fonctionnement au niveau financier, c'est-à-dire au niveau des banques, des spéculateurs et de la défense du pays. Jusqu'à présent, les Etats-Unis ont conçu une politique de dépenses importantes avec leur monnaie de réserve qui est le dollar. Mais, avec la dégradation de la note américaine, ce sera difficile de vivre à crédit sur le dos du reste du monde. Il faut qu'ils (les américains) payent. L'économie va avoir de gros problèmes pour réaliser une croissance durable dans le futur et payer au même temps les dettes contractées auprès des autres pays. Dans ces conditions, l'économie américaine va avoir une croissance faible et probablement elle sera dépassée par certains pays comme la Chine. Même si les fondements sont bons, les mécanismes financiers font qu'elle est fragile et qu'elle va devoir supporter beaucoup de contraintes à long terme. C'est une très mauvaise chose pour l'économie américaine et mondiale. Il faut dire que c'était prévisible. Selon certains spécialistes, les américains ont les moyens d'honorer leurs dettes... Je ne pense pas que les américains soient suffisamment préparés pour affronter les défis futurs, c'est-à-dire réduire leur niveau de vie pour payer la dette. Ils vont essayer de continuer à vivre au moins au niveau actuel. Ça sera très difficile pour eux d'abandonner leur niveau de vie actuel. Est-ce que la dégradation de la note américaine peut entraîner une crise économique mondiale ? C'est clair. Les pays vont avoir beaucoup moins de réserves en dollar. Ils vont choisir d'autres monnaies internationales et l'or. La valeur du dollar va certainement dégringoler sur les marchés. Les Etats-Unis d'Amérique vont payer des intérêts plus élevés pour leur dette. Ils auront beaucoup de problèmes à long terme, notamment le chômage et la récession. Pour le reste du monde, les autres pays vont devoir se déterminer. Il y a déjà des voix, y compris celle de la Chine, qui disent que nous devons avoir des réserves en multi monnaies et plus d'autres choses. Les institutions internationales des finances, notamment la Banque mondiale et le Fonds monétaire international vont réfléchir pour réactiver les droits de tirage spéciaux. C'est un signe du début du commencement de la fin de la suprématie du dollar, qui était le roi de la finance internationale. Le dollar doit partager son rôle avec d'autres monnaies de réserves. L'Algérie sera-t-elle touchée par cette crise d'endettement américain ? Elle sera concernée positivement et négativement. Elle est concernée positivement par le fait que les taux d'intérêts des placements effectués aux Etats-Unis seront plus élevés. Ceci ne va pas aider énormément l'Algérie. La dégringolade de la valeur du dollar aura un effet sur nos achats, étant donné que 70% des importations proviennent de la zone euro. Il y aurait des pertes de change. Nous avons aussi les contrats pétroliers qui sont libellés en dollar. A ce niveau-là, l'Algérie perdra de son pouvoir d'achat.