Depuis le temps que l'on en parle, cela devait arriver un jour ou l'autre. Lundi 18 avril, l'agence de notation Standard Standard & Poor's (S&P) a annoncé qu'elle abaissait la perspective de la note souveraine des Etats-Unis de «stable» à «négative». Notons qu'il ne s'agit que d'une perspective de notation et non pas d'une dégradation comme ce fut le cas ces derniers temps pour la Grèce, l'Irlande ou le Portugal. En effet, S&P a maintenu la note souveraine des Etats-Unis à AAA, c'est-à-dire le meilleur rang possible, celui qui fait référence dans le monde entier et qui signifie aux prêteurs qu'ils peuvent continuer à financer sans risque le train de vie de l'Amérique. La dérive des finances publiques américaines Mais ce changement de perspective est tout de même un avertissement sans frais qui constitue un fait rare et majeur (Moody's l'avait déjà fait en 1996 alors que Clinton était au pouvoir). Pour la première fois depuis quinze ans, la possibilité d'une dégradation de la note souveraine des Etats-Unis devient donc possible à horizon de deux ou trois ans. Il s'agit d'un signal qui n'est pas neutre et qui devrait inciter tous les pays, dont l'Algérie, qui investissent leurs réserves de change en obligations d'Etat américaines à réfléchir sur des stratégies d'investissement alternatives. Bien entendu, on voit mal la première puissance économique - et militaire - mondiale faire faillite. Mais ce début de siècle n'a pas manqué de nous surprendre et l'idée d'une grave crise financière propre aux Etats-Unis ne relève plus uniquement de la finance-fiction. Les motivations de Standard & Poor's sont claires. Pour l'agence de notation, le déficit budgétaire américain pose plusieurs problèmes. Il est d'abord abyssal puisqu'il devrait atteindre les 1600 milliards de dollars à la fin de l'année (11% du produit intérieur brut) ce qui, dit autrement, signifie que le Trésor américain devra emprunter plus de 4 milliards de dollars par jour pour assurer le fonctionnement de l'Etat fédéral. Ensuite, S&P comme d'ailleurs le Fonds monétaire international (FMI), n'est pas du tout convaincu par la volonté et la capacité de l'administration Obama de réduire ce déficit. Pourtant, le président américain a annoncé un plan d'économies drastiques de 4.000 milliards de dollars sur 12 ans, de manière à ramener le déficit autour de 2% d'ici 2020. Confronté à l'opposition républicaine qui contrôle la Chambre des représentants, Obama a toutefois du mal à imposer ses plans d'autant qu'il veut s'attaquer aux niches fiscales concédées par Bush aux ménages les plus aisés. Rappelons à ce sujet que l'administration précédente est la première, dans l'histoire des Etats-Unis, à avoir engagé le pays dans un conflit majeur (Afghanistan puis Irak) tout en diminuant les impôts. C'est ce non-sens fiscal avec lequel doit se colleter Obama aujourd'hui et, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il est loin d'avoir gagné la partie. A moins que l'économie américaine ne redémarre enfin, ce qui reste le meilleur moyen pour réduire le déficit budgétaire. Beaucoup de bruit pour rien ? On peut toutefois se demander pourquoi Standard & Poor's a mis aussi longtemps pour réagir et pourquoi ses concurrentes ne lui ont même pas emboîté le pas. Cela fait des années que les finances publiques américaines dérivent sans que les autorités politiques du pays ne s'en émeuvent. Il faut dire aussi que les principaux créanciers des Etats-Unis ne donnent pas l'impression de s'inquiéter outre mesure. Après la décision de S&P, la Chine a certes appelé Washington à prendre des «mesures responsables» pour freiner le déficit et donc empêcher la dépréciation de la dette américaine dont Pékin détient une bonne part. Mais, dans le même temps, on apprenait que le Trésor chinois avait acheté pour 260 milliards de dollars de bons du Trésor américain en 2010. «Business as usual» donc. Reste à savoir désormais quelles seront les conséquences de l'avertissement de S&P sur le financement de la dette américaine.