L'invitation était claire : «A l'occasion de la journée du moudjahid (20 août), l'union nationale des femmes algériennes (UNFA) organise aujourd'hui (hier, ndlr) à 11h une conférence sous le thème «Le congrès de la Soummam», animée par des moudjahidine et des moudjahidate qui ont vécu l'événement». Les organisateurs se sont donné rendez-vous au Forum du quotidien gouvernemental El Moudjahid. Seulement, la rencontre conduite par Nouria Hafsi, présidente de l'UNFA, n'a pas été à la hauteur s'agissant de la commémoration des événements du Nord-Constantinois (20 août 1955) et du congrès de la Soummam (20 août 1956). Une conférence donnée autour de ces deux dates a fait grincer des dents et provoqué quelques départs précipités de la salle. C'est à la demande des présents que le conférencier a dû décliner son identité. Il s'agit de Mohamed El Amine Belghi qui se présente comme enseignant à l'université d'Alger I et «historien de profession». Même si le thème était le congrès de la Soummam, l'orateur a préféré traiter d'abord des événements du Nord-Constantinois menés sous la responsabilité de Zighout Youcef. Dans un style romancé, M. Belghi a évoqué devant les rares personnes qui étaient dans la salle le soulèvement du 20 août 1955 surtout à Constantine, Batna et Skikda, la ville où lui-même a fait ses études depuis le primaire. Pendant 40 minutes, il a donné des dates, d'innombrables noms de lieux, de personnes et de «grandes batailles». Le conférencier a marqué un moment d'irritation quand un ancien moudjahid lui a coupé la parole et lui a suggéré d'utiliser le mot «attaques» à la place de «batailles». En fait, Zighout Youcef suivant un plan insurrectionnel a ordonné à ses troupes d'attaquer plusieurs objectifs de l'armée coloniale, des postes militaires entre autres, préalablement définis. Pour l'invité du Forum, cette partie de notre histoire a besoin d'être réécrite sur la base des archives locales et françaises. «Il existe plusieurs versions à propos de ce qui s'était passé par exemple à Skikda, dont celle du sanguinaire Aussarresse», a-t-il soutenu. Le congrès de la Soummam en 15 minutes La deuxième partie de la conférence était consacrée au congrès de la Soummam. Là, l'historien a expédié son sujet en 15 minutes. Il s'est contenté de survoler les événements sans s'attarder sur les personnes, comme si l'insurrection du Nord-Constantinois a plus de portée politique que le congrès de la Soummam. Avant de quitter le forum, une dame lui a crié à la face : «Vive le congrès de la Soummam ! Vive Abane». En retour, M. Belghi a rapidement évoqué Abane, le qualifiant d'«architecte de la rencontre». Revenant à la charge, il a fait remarquer que l'absence du représentant du Nord-Constantinois au congrès, du fait de la mort tenue secrète de Zighout, «a influé sur le déroulement des événements». En historien qu'il se dit être, il a assuré qu'il avait jamais compris le sens d'une des décisions capitales prises lors du congrès, à savoir «la primauté du politique sur le militaire», avant d'assister dernièrement à une conférence sur ce thème donnée par Abderezak Bouhara du FLN… D'habitude, au forum d'El Moudjahid, on organise des conférences suivies de débats. Avec la rencontre de l'UNFA, cela n'a pas été le cas. Après l'intervention de M. Belghi, plusieurs mains s'étaient levées dans la salle demandant la parole. Nouria Hafsi en a décidé autrement. «Nous aurions aimé ouvrir le débat, mais le conférencier a tout dit !» a prétexté la présidente de l'Union. Ainsi, contrairement à ce qui a été promis, aucun témoignage n'a été entendu sur le congrès de la Soummam.