Dans les zones rurales du Djurdjura où les gens vivent encore au rythme des saisons, l'heure de la cueillette des champignons est annoncée par les premières pluies automnales, accompagnées par la chute, à la moindre brise, du feuillage du figuier et du grenadier, moment du retour dans cette région du rouge- gorge, de la grive et autre oiseaux migrateurs qui trouvent "gîte et couvert" dans les oliveraies. En effet, c'est à pareille époque qu'en Kabylie rurale, les gens s'en vont dans les champs pour cueillir des champignons que d'aucuns, pas du tout gâtés par la vie, considèrent comme étant "la viande du pauvre", tant le goût rappelle au palais celui des protéines animales. C'est cela qui aurait inspiré, dit-on, l'adage du terroir qui voudrait "qu'à défaut de viande, on mange des champignons". Si dans des milieux aisés, ce végétal sans chlorophylle est utilisé pour farcir des mets fins à base de viande, de volaille et de poissons, il en va autrement pour les ménages démunis se contentant de le consommer, après sa cuisson à la vapeur, sous forme de salade assaisonnée d'huile d'olive. Dans le meilleur des cas, cet ingrédient naturel est associé à la préparation du "berkoukes", une sorte de gros couscous, ou à garnir des omelettes, fourrées aux asperges cueillies dans la forêt. Il existe une multitude de champignons poussant en des biotopes différents, les "arrogants" qui s'offrent ostensiblement à la vue sur des champs nus et les "timides" qui préfèrent vivre en retrait, à l'ombre des cavernes ou dans le creux des arbres. Il existe également une variété de champignons croissant sur du fumier. C'est dire que tout est dans la nature. Mais tous les champignons ne sont pas comestibles, car beaucoup sont vénéneux et peuvent être mortels, surtout qu'il est difficile d'en distinguer les bons des mauvais. Toutefois, par expérience, les consommateurs n'hésitent pas à se rabattre sur l'agaric champêtre reconnaissable à la blancheur de son pied et de son chapeau rabattu et à lamelles striées, ainsi que sur certaines espèces poussant dans les vieilles souches de certains arbres, tels que le frêne et le figuier.