Des spécialistes de questions de la femme ont été unanimes à souligner la difficulté de définir des statistiques exactes sur les cas de violence à l'égard de la femme au sein de la société algérienne, plaidant pour la mise en place d'"une loi cadre" pour la protéger de ce phénomène. A l'occasion de la journée mondiale de lutte contre la violence à l'égard de la femme coïncidant avec le 25 novembre, Mme Dalila Djerbal, sociologue et responsable au sein du réseau Wassila a appelé à la mise en place d'une "loi cadre" définissant toutes les formes de violence exercées contre la femme. Bien que l'Algérie ait amendé ses textes et que les coups et blessures sont considérés comme un délit assorti d'une peine pouvant aller jusqu'à 10 ans de prison lorsqu'il y a préméditation ou port d'armes (article 266 du code pénal), cela "reste insuffisant" pour "enrayer" la violence à l'égard de la femme, d'autant que les victimes, par peur du divorce ou d'une vengeance, hésitent souvent à porter plainte", a-t-elle estimé, relevant, un "vide juridique" concernant la protection de la femme. Selon Mme Djerbal, auteur du "Livre noir" sur la violence à l'égard de la femme, les statistiques sur les femmes victimes de violence "restent inexactes vu qu'elles s'étalent sur une période ne dépassant pas 6 mois". Dans la plupart des cas, les femmes qui font objet de violence ne portent pas plainte en raison des mentalités algériennes. Les difficultés sont souvent rencontrées au sein de la famille, des proches, des autorités compétentes et des magistrats, d'où la difficulté d'établir des statistiques, a-t-elle précisé. Elle a, dans ce sens, insisté sur la nécessaire conjugaison des efforts de tous, particulièrement les médecins, les juges et les services de sûreté pour assurer la protection de la femme, appelant à prendre en compte l'avis du psychologue. Pour sa part, Mme Djaafri Djadi, présidente de l'Observatoire algérien de la femme (OAF) a souligné que la violence à l'égard de la femme demeure un tabou, relevant que la femme "évite de porter plainte" de peur du divorce et de violence physique. Figurent parmi les femmes victimes de violence des cadres, des responsables et des universitaires, a-t-elle tenu à faire remarquer. Se référant à une étude réalisée en 2003 par le ministère de la Famille et de la condition féminine, Mme Djaafri a indiqué que 50 % des femmes victimes de violence sont mariées, 36,1 % célibataires, 7,4 % divorcées et 6,6 % veuves. Le taux de femmes victimes de violence à la maison est de 64,9% contre 6,4 % dans les lieux publics et 4,5 % au travail. Mme Djaafri a estimé que le pourcentage de violence contre les femmes en milieu familial est "extrêmement grave" précisant que la violence conjugale était en tête avec 29,4 %. La présidente de l'OAF a par ailleurs mis en garde contre les proportions que prend ce phénomène en milieu familial et parmi les proches (violence pratiquée par les enfants (5,4%), les proches (8,1%), les voisins (19,5 %), les pouvoirs publics (2,5 %). Elle a en outre affirmé que les violences sexuelles, verbales et morales sont plus graves que les agressions physiques et la violence économique devenue, selon elle, un phénomène à la mode qui dépouille la femme qui travaille de ses revenus. Il est important, a-t-elle insisté, de sensibiliser la femme quant à ses droits et ses devoirs estimant que sa contribution à la construction du pays lui permettra d'être une personne indépendante respectée de tous. "Les hommes doivent revenir au Coran et à la Sunna dans leur manière d'agir avec les femmes," a encore souligné Mme Djaafri qui affirme que "le comportement agressif de l'Algérien fait partie de son identité sociale". L'avocate Fatima Benbraham a indiqué de son côté que plus de 2000 femmes sont victimes de violence chaque année précisant que les statistiques avancées parlent surtout de celles qui ont déposé plainte. Mme Benbraham estime que la solution réside dans la mise en place d'une loi qui interdise aux personnes violentes d'exercer leurs droits civiques et leur droit de visite aux enfants -en cas de divorce- et qui impose des sanctions complémentaires contre ces dernières. Elle a ajouté que la femme est sujette parfois à la violence morale qui entraîne des troubles psychologiques et mentaux, soulignant à ce propos la nécessité pour la justice de reconnaître les certificats délivrés par les psychologues en tant que médecins spécialistes.