Plusieurs crimes sont masqués en accident. La plupart passent inaperçus et trompent la vigilance du médecin chargé du constat du décès, de même que plusieurs morts suspectes impliquent la condamnation de personnes innocentes, et ce, à cause de la non-implication du médecin légiste. Cette triste réalité a suscité le soulèvement de la corporation de la médecine légale, qui s'est organisée en association afin de lutter pour l'adaptation d'une réglementation idoine, en mesure de pallier ce manque juridico-socio-légal. Le Pr Fatiha Merah, présidente de la société algérienne des sciences médico-judiciaires, du dommage corporel et de l'éthique médicale a, lors d'une conférence de presse organisée hier à l'école de médecine Laperrine, tiré la sonnette d'alarme sur ces «irrégularités» qui peuvent être évitées si les prérogatives du médecin légiste sont respectées. Selon Mme Merah qui exerce au CHU de Beni Messous, «le médecin est censé redonner la vie et prendre en charge les malades et non faire le constat de décès», ajoutant que plusieurs homicides peuvent être «masqués ou passer inaperçus». Elle cite l'exemple d'une jeune personne de Constantine morte après avoir reçu une balle au niveau de nuque, alors qu'il a été attesté qu'elle est morte dans un accident de la route, n'était l'intervention du médecin légiste. Une femme est décédée des suites d'une méningite alors que son mari a été accusé a priori de l'avoir violentée à mort. La spécialiste, qui se bat depuis cinq longues années pour avoir l'agrément de son association, affirme que les femmes, les enfants et les sujets âgés sont les plus exposés à ce danger de violence, qui a pour conséquence des décès et des maladies. Plus de 6% des personnes âgées sont violentés En Algérie, plus de 6% des personnes âgées sont violentées par leurs enfants, notamment toxicomanes ou souffrant de troubles psychiques liés à leur dépendance aux psychotropes. Elle avance aussi que rien qu'au centre hospitalo-universitaire de Beni Messous (Alger), plus de 4000 victimes de violences ont été enregistrées depuis le début de l'année 2011. «Durant le mois de ramadhan, on enregistrait 10 femmes battues par jour», regrette la même intervenante, qui regrette l'absence d'un travail de suivi dans ce cas. Le Pr Merah a rappelé que «les homicides sont classés en deuxième position dans la catégorie des morts violentes avec 31%, derrière les suicides avec 50% et les guerres avec 19%, et ce, sur un total de 1 659 000 morts rapportés par l'OMS durant l'année 2000». Ces morts violentes concernent dans les 90% des cas les pays à revenus faibles ou moyens. Plus explicite, elle a avancé que les homicides involontaires sont représentés particulièrement par les accidents de la circulation et les homicides volontaires sont illustrés par les coups et blessures par arme blanche, par arme à feu, par les violences perpétrées contre les femmes et les enfants. Un observatoire national s'impose Elle est convaincue, dans ce cadre, que la prévention de ces fléaux repose sur les lois, l'éducation et la recherche. Elle a fait savoir que toutes les sociétés s'organisent pour lutter contre ces fléaux par la création d'associations. Malheureusement, en Algérie, la société est très mal organisée, a-t-elle-souligné, «le législateur ne s'attaque pas avec force à ces maux sociaux et la recherche comme l'éducation sont à l'état embryonnaire». Toutes les études effectuées par la corporation de la médecine légale, entre autres, dans le domaine épidémiologiques qui permettent de connaître les causes de décès, sont restées inexploitées. Le Pr Merah appelle à la mise en marche du comité national de médecine légale, mis en place au temps ou M. Yahia Guidoum était à la tête du secteur. Ce comité est resté non fonctionnel jusqu'à aujourd'hui. La présidente de l'association a également insisté sur la nécessité de la création d'un observatoire national sur le phénomène de la violence. Première journée scientifique nationale de médecine légale juridique Pour débattre de ces sujets et faire la lumière le nombre de morts violentes en Algérie, la société en question organise, en partenariat avec l'association des Sciences médico-judiciaires et de bioéthiques de Constantine, en partenariat avec l'école supérieure de magistrature et le concours de la faculté de médecine d'Alger, de l'institut national de criminalistique et de criminologie de la gendarmerie nationale et de la direction générale de la sûreté nationale, la semaine prochaine, la première journée scientifique nationale de médecine légale juridique.