Les députés algériens votent mardi une loi sur les associations dans le cadre des réformes lancées par la présidence mais le projet est accusé par des militants des droits de l'homme et des responsables islamistes de renforcer le contrôle du pouvoir sur la société civile. Ce texte vient réviser une loi adoptée en 1990 après des émeutes qui firent quelque 500 morts en octobre 1988 et mirent fin au règne de l'ex-parti unique Front de libération nationale (FLN) et à son hégémonie sur la société civile. Le nouveau projet fixe notamment "les conditions de création des associations", définies comme un regroupement de personnes souhaitant "partager leurs connaissances ou leurs activités dans un but non lucratif". Il prévoit, pour la première fois, des dispositions sur la création d'associations étrangères pour "combler un vide juridique" en Algérie où elles étaient jusqu'à présent "tolérées" mais pas "interdites". Ce projet conditionne la création d'une association étrangère à la conclusion par son pays d'origine d'une convention avec l'Algérie. Le ministre de l'Intérieur est habilité à leur suspendre ou à leur retirer l'agrément en cas d'"ingérence dans les affaires internes de l'Algérie". "C'est une loi restrictive destinée à contrôler l'activité des associations", a estimé Kheiredine Abbas, président de la section algérienne d'Amnesty International. "L'administration veut avoir un œil sur les finances des associations. Avec ce texte beaucoup d'associations vont disparaître dont Amnesty International et les associations d'aide aux malades, qui vivent des subventions venant de l'étranger", a-t-il ajouté. Un député du Parti des travailleurs (PT, opposition) Ramdane Taâzibt veut aussi faire interdire aux associations de bénéficier de financements étrangers. Régime particulier pour les associations islamistes Le gouvernement a également décidé de soumettre les associations à caractère religieux à un "régime particulier", ce qui a soulevé l'ire des députés islamistes. "Pourquoi les associations religieuses ont-elles besoin d'un régime particulier?", s'est interrogé Amine Allouche membre du groupe parlementaire du "changement" (dissidents du Mouvement de la société pour la paix - MSP, islamiste, membre de l'Alliance présidentielle). Il faisait référence à la simple nécessité pour les associations civiles d'introduire un dossier d'agrément auprès des autorités. D'autres députés islamistes jugent que ce projet renforce "l'hégémonie de l'administration sur la société civile" et contrarie les réformes politiques promises en avril par le président Albdelaziz Bouteflika. "Ce projet de loi n'est qu'une pâle copie des reformes attendues par les Algériens", a estimé Fillali Aouini, du Mouvement de la réforme nationale (MRN, islamiste). Selon le ministre de l'Intérieur Dahou Ould Kablia, l'Algérie compte 90.000 associations dont "1.000 seulement sont présentes sur le terrain à l'échelle nationale, les autres étant des associations locales ou de quartier". "La moitié a cessé ses activités ou ne se manifeste qu'occasionnellement", a-t-il précisé jugeant que les "failles" de l'ancienne loi ont ainsi permis "la création d'une pléthore d'associations ne réunissant pas les conditions légales". Le président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme Hocine Zahouane, qui avait participé à la rédaction de l'ancienne loi, a estimé que le texte de 1990 "garantissait mieux les libertés". Il a appelé à un "front" contre le texte "qui va conduire le pays dans une impasse".