L'augmentation du nombre de morts et de blessés dans des accidents de la route continue d'endeuiller des familles. Une tournée au niveau des auto-écoles de la capitale nous a permis de lever quelque peu le voile sur les pratiques douteuses pratiquées. Mourad Mahmoudi, directeur de l'auto-école «Amina» à El Biar nous explique que «depuis l'informatisation des données relatives au dépôt des dossiers des candidats, il y a eu une diminution de l'achat de permis de conduire». Effectivement, depuis 2006, tous les dossiers des candidats sont saisis au niveau de la direction du ministère des Transports et des auto-écoles, et les candidats ne peuvent apporter de modifications sur les données. S'agissant des candidats ayant réussi leurs épreuves, c'est l'examinateur lui-même qui remet la liste au ministère et les administrateurs disposent uniquement de deux heures pour inscrire les données, à l'issue desquelles les disquettes sont reprises par les responsables et remises aux daïras concernées. Auparavant, selon notre interlocuteur, les noms des élèves étaient inscrits sur des registres et en contrepartie de pourboires, les agents de cette institution étatique pouvaient ajouter à leur gré des noms. Actuellement, indique le directeur de l'établissement «Amina», «chaque auto-école doit déclarer au ministère des transports une semaine avant l'examen la liste des candidats et aucun rajout n'est permis le jour de l'examen». Il est aussi à préciser que depuis les nouvelles réglementations exigées pour les auto-écoles, aucune d'elles ne connaît à l'avance l'examinateur désigné. Concernant la garantie d'obtention du permis de conduire en échange d'un important pot-de-vin, M. Mahmoudi répond «qu'aucune assurance ne peut être fournie par l'établissement, car le responsable de l'auto- école n'a aucun pouvoir». Selon lui, les causes de l'augmentation des accidents de la route sont liées à «la multiplication par 5 du parc auto, aux agglomérations qui ne sont pas conformes aux normes internationales, au non- respect du code de la route, à l'imprudence des conducteurs et au laxisme des parents qui achètent des voitures trop puissantes à leurs enfants qui ne maîtrisent pas la conduite». Ainsi, les crédits alloués aux salariés pour l'achat de véhicules et l'achat groupé des voitures par les société nationales n'ont pas arrangé les choses. S'ajoutent à cela le manque de civisme des citoyens, leur irresponsabilité et leur négligence face aux dangers de la route qui n'ont fait qu'amplifier le problème. Par ailleurs, il nous a précisé que conformément aux nouvelles dispositions relatives au programme de formation au permis de conduire, les accidents de la route ont beaucoup diminué. Les nouvelles réglementations exigent d'eux un minimum de 25 cours de code de la route au lieu de 12 avant 2008, et 30 cours de pratique au lieu de 15. Par ailleurs, certains gérants d'auto-écoles acceptent des commissions en assurant au candidat l'obtention de son permis, et le jour de l'examen, ils demandent cette faveur à l'examinateur qu'ils connaissent généralement auparavant. C'est le cas par exemple du candidat B.H. qui nous a confié avoir obtenu son permis auprès d'une auto-école au prix de 42 000 DA sans avoir à assurer un sans-faute lors de l'examen. Pour lui, c'est beaucoup plus un acte de présence. Dans la localité populaire de Bachdjarah, ce genre de pratique est très courant. Un gérant d'auto-école accepte un dossier de permis de conduire sans que le candidat ait à se présenter aux cours en contrepartie de 25 000 Da et garantit le permis au bout de 2 mois sans aucun risque d'échec. Cent mètres plus loin, une autre auto-école dont le gérant est déjà passé en conseil de discipline surenchérit à 40 000 Da pour un permis après un mois. «Contre ce montant, je vous assure votre permis», m'a-t-il assuré alors que je me suis présentée en tant que candidate. A cet effet, M. Amour, syndicaliste des auto-écoles au niveau d'Alger et gérant d'une auto-école à Meissonnier, nous a affirmé que l'auto-école en question n'en était pas à la première fraude du genre et qu'elle avait même fait l'objet d'une sanction, après une audition par une commission de discipline auprès du ministère des Transports. Ainsi, d'importantes irrégularités ont été constatées chez ce directeur d'auto-école, qui a été pris en flagrant délit de trafic de permis en juin dernier. Selon M. Amour, «le trafiquant était de mèche avec des examinateurs et des agents administratifs du ministère auxquels il versait des sommes importantes. Ce responsable n'a pas été sanctionné outre mesure et n'a finalement été suspendu que durant trois semaines, étant donné qu'il a versé des dessous de table aux membres de la commission qui l'ont auditionné en conseil de discipline». Des permis délivrés mais non enregistrés Après avoir fait le tour des auto-écoles d'Alger auxquels nous avons demandé la possibilité d'obtenir un permis de conduire sans avoir à passer par toutes les formalités relatives aux cours et à la pratique, ils nous ont répondu que ça se faisait chez certaines auto-écoles et qu'il fallait débourser une somme importante d'argent. C'est le cas de l'auto-école «Amara Hamza» au niveau de la rue Hassiba Ben Bouali, dont le directeur lui-même nous a affirmé que «ce genre de pratique existe réellement», sans vouloir s'impliquer. Il nous précise également que «les permis fournis par ces auto-écoles n'étaient pas valables et certifiés car ils ne comprenaient pas de numéro de série». En effet, étant donné que ces permis ne sont pas passés par le ministère des Transports, ils n'ont pas été enregistrés et donc ne portent pas de numéros. Il est à souligner que ces permis ne sont pas valables et que lors d'un contrôle routier, les conducteurs disposant de ces fausses pièces d'identité encourront d'importantes peines. S'agissant de l'auto- école «Ouali» de Meissonnier à Alger-Centre, le directeur dénonce ouvertement ces escroqueries en désignant directement les agents des daïras et du ministère. A cet effet, il nous raconte une anecdote sur un conducteur qui a égaré son permis et qui, voulant le refaire, se dirige vers la circonscription de sa région qui n'a pas pu lui établir un duplicata, étant donné que son permis égaré était un faux et qu'il n'était pas enregistré au ministère des transports. Des histoires de ce genre sont légion et de nombreux citoyens n'hésitent pas à recourir à ces fraudes et à soudoyer les agents des établissements étatiques en échange d'un permis. D'autres moyens d'obtention facile de permis existent et M.Ouali nous indique que «certains directeurs d'auto-écoles acceptent des sommes d'argent qu'ils versent à l'examinateur qui se montre plus souple envers le candidat». Il dénonce également l'irresponsabilité des parents qui donnent facilement le véhicule à leurs enfants après avoir eu leur attestation de conduite, et c'est le cas de l'un de ces élèves qui a obtenu son attestation à 10h30, pris la voiture de ses parents à 11h45 et qui s'est fait retirer son attestation pour avoir franchi une ligne continue. Le directeur de cet établissement recommande plus de civisme de la part des citoyens, le renforcement de la sécurité et des pénalités plus sévères.