Le passé historique entre l'Algérie et la France est de nouveau sous les feux de la rampe. Au lendemain de la sortie médiatique du Premier ministre turc qui accuse la France d'avoir commis «un génocide» en Algérie, la sénatrice française Esther Benbassa évoque l'existence d'une proposition de loi visant la reconnaissance de la responsabilité de la France dans les massacres du 17 octobre 1961 à Paris. Ce projet de loi que la sénatrice a elle-même initié sera éventuellement soumis à débat au Sénat français «d'ici l'automne prochain», a indiqué Mme Benbassa qui occupe également le poste de vice-présidente de la Commission des lois du Sénat. «La période législative s'arrête le 22 février en raison des élections à venir (présidentielle et législative). J'espère que nous aurons l'occasion d'y revenir en automne», a-t-elle également précisé. Elle estime toutefois qu'outre le fait que l'échéance législative arrive bientôt à terme, «la conjoncture politique n'est pas la mieux indiquée pour entreprendre un tel débat». Elle explique que «si, au terme de la prochaine présidentielle en France, un gouvernement de gauche arrive au pouvoir ; ce sera peut-être l'occasion de remettre cette loi sur le devant de la scène. Il faut quand même se dire que les mentalités ne sont pas encore tout à fait prêtes à accepter une telle loi», a indiqué la sénatrice du Val-de-Marne d'Europe-Ecologie élue sur la liste des Verts. Elle insiste sur le fait que l'abcès de la colonisation n'est pas encore crevé en France, ajoutant que si ladite loi était adoptée, celle-ci marquerait l'occasion, au moins, de panser les blessures de ceux qui ont subi les massacres du 17 octobre 1961 et celles de leurs descendants». Elle enchaîne en affirmant que l'adoption d'une telle loi «est un juste retour des choses», soulignant que l'histoire devrait être l'apanage des historiens. «Une telle reconnaissance (du massacre du 17 octobre 1961) pourrait également mettre un peu d'huile dans les rouages des relations franco-algériennes. Toutefois, je suis convaincue que c'est aux historiens de faire l'histoire et pas aux politiciens», a soutenu la sénatrice, précisant qu'il ne faudrait pas que cette reconnaissance «nous amène vers une énième loi mémorielle en France. Nous sommes envahis par les lois mémorielles. L'histoire ne se fait pas dans les prétoires ni dans les parlements, mais dans les livres d'histoire», a-t-elle dit. Il est rappelé par ailleurs que le président de l'association «Au nom de la mémoire», Mehdi Lallaoui, a indiqué récemment que des demandes de rendez-vous pour la restitution des 10 000 premières signatures d'un appel pour la reconnaissance officielle de la tragédie du 17 octobre 1961 à Paris ont été adressées le 8 novembre 2011 au Sénat, à l'Assemblée nationale, à l'Elysée (présidence) et à Matignon (gouvernement) pour «enfin arracher la reconnaissance de ce qu'il convient de qualifier de crime d'Etat». Une chasse à l'homme sanglante déclenchée contre les Algériens qui avaient bravé le couvre-feu qui leur a été imposé le 5 octobre 1961 à Paris, a été accompagnée de 12 000 à 15 000 interpellations dont 3000 envoyés en prison, tandis que 1500 ont été refoulés vers leurs villages d'origine, selon le président de l'Association des moudjahidine de la Fédération du FLN en France 1954-1962, Akli Benyounès. Ce dernier évoque 300 à 400 morts par balle, par coups de crosse ou par noyade dans la Seine, 2400 blessés et 400 disparus suite à la répression policière.