Au lendemain des déclarations du Premier ministre Ahmed Ouyahia qui avait rassuré que l'Etat empêchera la disparition du complexe d'El Hadjar, la tension est montée d'un cran hier avec l'annonce du dépôt de demande de cessation de paiement par la DG du groupe auprès d'un tribunal à Annaba. Une procédure qui a été considérée comme une manœuvre visant à faire pression sur les autorités algériennes qui refusent d'accorder des financements sans garantie à l'investisseur par le biais de la Banque extérieure d'Algérie. Le P-dg de la BEA a apporté hier des précisions de taille sur les relations entretenues avec le gestionnaire étranger d'El Hadjar, notamment en ce qui concerne son plan d'investissement. Le P-DG de la BEA, Mohamed Loukal, a accusé hier le groupe Arcelor Mittal, le partenaire de l'Algérie dans le complexe sidérurgique d'El Hadjar (Annaba), de vouloir faire endosser à la banque ses propres contraintes financières. M. Loukal a expliqué dans un entretien accordé à l'APS que la filiale du groupe indien «avait utilisé comme parade durant tout le processus de négociations (avec la BEA pour l'octroi d'un crédit de 14 milliards de DA) des propositions de garantie de prêt qui n'ont pas de valeur». «Dans ce dossier, il y a lieu de ne pas se tromper de cible et de vouloir incriminer la BEA à tout prix», a ajouté M. Loukal, qui a tenu à souligner que sa banque «n'a pas pour habitude, au plan de l'éthique, de commenter ses relations avec sa clientèle, quels que soient les aléas qui pourraient les caractériser». Jugeant utile d'apporter certaines précisions pour permettre de situer la problématique de ce dossier dans son véritable contexte, M. Loukal a expliqué que depuis la mise en œuvre du partenariat «Ispat-Sider», devenu par la suite ArcelorMittal-Sider, il a été constaté une réorientation de la relation bancaire au profit de banques privées, en dépit du fait que la BEA soit la banque du complexe d'El Hadjar depuis sa création. La BEA s'est trouvée ainsi «confinée à assurer les remontées de trésorerie vers ces banques (privées) et la paie des travailleurs du complexe», ajoute-t-il. La banque algérienne est intervenue plusieurs fois auprès des responsables de l'entreprise pour les convaincre de normaliser cette relation bancaire. Mais, suite à la persistance de cette relation, elle avait même étudié un plan de délocalisation de son agence implantée au sein du site industriel, devenu vulnérable sur le plan de la rentabilité, précise encore M. Loukal. ArcelorMittal avait repris langue avec la BEA en septembre 2011 pour l'obtention d'un crédit d'exploitation classique destiné au financement du cycle de production du complexe d'El Hadjar d'un montant de 5 milliards de DA et aussi pour le rachat d'une dette de 9 milliards de DA (environ 120 millions de dollars), contractée antérieurement auprès de Société Générale Algérie, filiale algérienne du groupe bancaire français. Le crédit de 9 milliards de DA d'une validité d'une année arrivant à échéance fin 2011 a été contracté par Arcelor Mittal auprès de Société Générale Algérie en contrepartie d'une garantie bancaire internationale d'ordre de la maison-mère, payable à première demande, selon les précisions du dirigeant de la BEA. M. Loukal a tenu à préciser qu'«à ce stade, le programme d'investissement du complexe d'El Hadjar n'a été ni abordé, ni fait l'objet de présentation, ni de discussions avec le partenaire indien», contrairement à ce qui avait été annoncé par certains médias. Après plusieurs discussions avec son client, la BEA avait accepté d'accorder le crédit de 5 milliards de DA pour le financement de l'activité du complexe et a aussi approuvé le rachat de la dette de 9 milliards de DA auprès de son confrère privé à travers un crédit relais d'une durée de 6 années, toujours selon les clarifications de M. Loukal. Des garanties exigées Compte tenu de la fragilité financière et des déséquilibres qui caractérisent ArcelorMittal Algérie, la banque algérienne avait exigé des garanties sous forme de nantissements des équipements pour le crédit d'exploitation de 5 mds de DA et le transfert à son profit de la garantie internationale souscrite au profit de Société Générale pour le rachat du prêt de 9 mds de DA. La BEA avait même pris l'initiative de proposer une «alternative innovante» à la partie indienne en lui suggérant de transformer la garantie internationale de 120 millions de dollars, dès qu'elle sera transférée à son profit, en tranches d'augmentation de capital, prévue dans le plan de développement adopté par les organes sociaux d'Arcelor Mittal. La BEA visait par cette proposition «à renforcer progressivement les capacités financières de l'entreprise, lui permettant de recouvrer les critères de bancabilité, meilleur gage de stabilité financière», a-t-il dit. De plus, la BEA s'est dite disposée à accorder, sans formalité aucune, juste après le nantissement des équipements, un montant d'un milliard de DA pour les besoins urgents du complexe. «Les propositions de financement formulées par la BEA ont été concrètes et constructives, liées à une démarche d'accompagnement financier à laquelle ArcelorMittal avait formellement adhéré, à l'origine, sur tous les plans, y compris sur les garanties hypothécaires exigées par la BEA», avant de faire volte-face en changeant complètement son attitude, a noté à ce propos le dirigeant de la première banque d'Algérie. A ce titre, il a estimé «anormal» qu'Arcelor Mittal «se refuse de réserver à la BEA le même traitement que celui administré au confrère privé, en contrepartie de l'effort considérable en matière de financement que cette entreprise cherche à arracher». Il souligne aussi que sa banque qui «est un acteur possible dans le financement de l'exploitation du complexe, ne peut l'être dans le rachat d'une dette sans garantie». Il a également affirmé qu'ArcelorMittal qui se retrouve dans une situation de défaut de remboursement de sa dette contractée auprès de Société Générale cherche en vérité «à se délier de la garantie internationale adossée à ce crédit sous prétexte de crise internationale». Les précisions du P-DG de la BEA interviennent au lendemain de la déclaration du secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), Ahmed Ouyahia, qui a affirmé que l'Etat algérien va intervenir pour empêcher une éventuelle fermeture du complexe El Hadjar. M. Ouyahia a expliqué que le dépôt de bilan, brandi comme une menace par Arcelor Mittal pour obtenir un crédit bancaire sans garanties, ne va pas infléchir la position des autorités algériennes sur ce dossier. «L'Etat n'assistera pas à la disparition du complexe d'El Hadjar. Nous n'allons pas tourner le dos aux travailleurs et on ne va pas les abandonner», a indiqué le Premier ministre, lors d'une conférence de presse animée samedi à Alger. Selon le ministre, ArcelorMittal a demandé un prêt à la Banque extérieure d'Algérie de 14 milliards de dinars (140 millions d'euros environ), dont une partie, 50 millions d'euros, a été accordée. Le complexe d'El Hadjar n'est pas en situation de dépôt de bilan Dans un communiqué de la cellule de communication de la direction générale du complexe, repris hier par l'APS, il a été souligné que le groupe «n'est pas en situation de dépôt de bilan». «Le groupe ArcelorMittal travaille avec ses partenaires pour mettre en place les garanties nécessaires pour résoudre dans les meilleurs délais le problème de financement de la société et assurer le retour rapide à un fonctionnement normal», mentionne le même document. En attendant le règlement de ce problème, «les opérations se poursuivent normalement au complexe sidérurgique ArcelorMittal Annaba et aucun impact immédiat n'est attendu sur son activité», a ajouté le communiqué. La situation de cessation de paiement que vit depuis le 3 janvier dernier le complexe sidérurgique ArcelorMittal Annaba a été officiellement portée hier à la connaissance du président du tribunal d'El Hadjar chargé de la section commerciale. Le directeur général du complexe, M. Vincent Le Gouic, son staff technique et un avocat de l'entreprise ont procédé dans ce cadre au dépôt de la déclaration de cessation de paiement auprès du tribunal d'El Hadjar territorialement compétent. Une source proche du dossier citée par l'APS aurait confié qu'ArcelorMittal, engagé dans un bras de fer avec la BEA sur un financement de 14 milliards de DA, veut faire «monter la pression» sur le gouvernement algérien en déposant hier sa déclaration de cessation de paiement auprès du tribunal d'El Hadjar. La même source a relevé qu'ArcelorMittal «ne se trouve pas, du moins actuellement, en situation de cessation de paiement», car la banque Société générale, qui lui a accordé un crédit de 9 milliards de DA en contrepartie d'une garantie internationale de 120 millions de dollars, ne lui a pas encore réclamé le remboursement de sa dette. Le géant mondial de l'acier ArcelorMittal a déposé, hier, auprès d'un tribunal algérien, une demande de cessation de paiement, a confirmé son directeur général. «Je confirme le dépôt de la demande de cessation de paiement mais ne ferai aucun commentaire pour le moment», a déclaré le DG d'ArcelorMittal Vincent Le Gouïc. Le directeur général d'Arcelor Annaba, son personnel technique et des avocats de l'entreprise ont procédé à la déclaration de cessation de paiement, conformément aux dispositions du code de commerce, a-t-on ajouté. ArcelorMittal détient 70% du capital du complexe et le groupe public algérien Sider les 30% restants. Il emploie près de 7000 salariés dans le complexe d'El-Hadjar. Le complexe, propriété de l'Etat algérien, avait été racheté à 70% en 2001 par l'indien Ispat, membre du groupe Mittal. Le gouvernement algérien avait donné, en septembre 2011, son feu vert à la reconduction du contrat de partenariat le liant à ArcelorMittal. Cette décision devrait permettre la mise en œuvre d'un programme d'investissements de 500 millions d'euros entre 2011 et 2015.