Dès ce début d'année de commémoration des 50 ans de l'indépendance algérienne, le Forum des Images à Paris ouvre un cycle de rétrospectives et de conférences autour des images de la Guerre d'Algérie. Du 24 janvier au 2 février, l'institution parisienne prévoit un programme de fictions, documentaires, archives militaires et civiles, témoignages souvent rares et tus, captés depuis cinq décennies sur les rives françaises et algériennes de ce conflit de huit ans. Les accords d'Evian, le 18 mars 1962, firent cesser le feu et leur approbation en avril par les Français de métropole signèrent officiellement la fin du conflit et le grand départ pour les Français d'Algérie. Pour l'Algérie, Evian ouvre la voie à l'indépendance, proclamée le 5 juillet. C'est à cette mémoire que le Forum rend hommage avec ses projections et les très nombreux conférences et débats, les cinéastes et les historiens qui les accompagneront. "Le temps est venu de considérer ces images comme des sources autant que comme éléments de transmission et de témoignage", justifie Jean-Yves de Lépinay, directeur des programmes du Forum des Images, soucieux de ne pas rentrer dans "une concurrence des mémoires". "Le constat, 50 ans après, c'est que, comme souvent, ce conflit fut un immense gâchis dont beaucoup sont sortis fracassés". Il a donc évité les montages historiques typiques des commémorations pour privilégier les points de vue et les paroles, militantes ou intimes. "Il existe énormément d'images contemporaines du conflit et l'idée que le cinéma a peu traité de ce conflit est fausse: beaucoup de grands talents l'ont évoqué en creux", soutient M. de Lépinay, citant "Muriel" d'Alain Resnais ou "Les Parapluies de Cherbourg" de Jacques Demy. Et depuis, on n'a jamais cessé de filmer: de "Avoir 20 ans dans les Aurès" de René Vautier tourné pendant la guerre, à "La Guerre sans nom" de Bertrand Tavernier (1991) et "Hors-la-loi" de Rachid Bouchareb (2010). De nombreuses personnalités seront invitées à en témoigner devant le public et les points de vue se confrontent d'une rive à l'autre, au gré de la programmation: en soirée d'ouverture, Jacques Charbit raconte l'Algérie d'après-guerre dans "Une si jeune paix"; puis et Malek Bensmaïl revisite, un demi-siècle après, le village des Aurès cible du premier attentat anti-français en 1954, dans "La Chine est encore loin" (2007). Tandis qu'Olivier Py, l'homme de théâtre, voyage avec "Méditerranées" dans la mémoire familiale qui garde l'Algérie - et la douleur du départ - au cœur, loin du folklore auquel le cinéma a souvent cantonné les pieds-noirs (Français d'Algérie). L'INA a ouvert ses archives, l'armée vient à deux reprises commenter les siennes. Le retour sur images va enfin commencer autour des thématiques les plus diverses, insiste Jean-Yves de Lépinay: les fronts, les civils, les appelés, la guerre en métropole, les combats (comment étaient-ils filmés), la figure de "l'Algérien", les combattants, les harkis (supplétifs algériens de l'armée française)... Face à cette ambition, la pluralité et la diversité, le Forum des Images regrette le manque de réponse des archives algériennes. Mais un sociologue algérien, Belkacem Mostefaoui fera le voyage pour raconter comment l'Algérie commémore cette guerre. A noter enfin, le 25 janvier, deux séances de "films de familles", français et algériens.