«De l'urgence d'une nouvelle économie moins dépendante des hydrocarbures», c'est le thème d'un symposium organisé hier à Alger par le Forum des chefs d'entreprise (FCE). Cette rencontre de réflexion et de débats a été initiée dans le cadre de la commémoration du 50e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie et de la célébration de la 12e année de la création du FCE. Le Forum a tenu à marquer à sa manière ces deux dates en invitant plus de 700 participants, dont des éminents spécialistes, des experts, des hauts responsables de la sphère économique ainsi que des chefs d'entreprise à débattre de l'avenir de l'économie algérienne. A travers ce symposium étalé sur deux jours, le FCE veut apporter des recommandations utiles au pays afin d'engager une nouvelle économie moins dépendante des hydrocarbures. Le président du Forum, Réda Hamiani, a souligné lors de son allocution l'importance et l'enjeu de cette conférence. «Après un demi-siècle de développement caractérisé incontestablement par d'importantes réalisations mais aussi par des tâtonnements et des échecs, comment ne pas être tenté de s'arrêter un moment pour jeter un regard rétrospectif lucide sur nos réussites et sur nos échecs, et réfléchir à la voie la plus sûre pour poursuivre avec le succès et le développement de notre pays sans risque de rééditer nos erreurs du passé…», a tenu à relever le président du FCE, rappelant le «défi à relever pour parvenir à transformer une économie dont le fonctionnement est tout entier dépendant de la rente pétrolière en une économie moderne qui générerait ses propres ressources et s'affranchirait de la rente». Parmi les réformes à entreprendre dans ce contexte, Rédha Hamiani a cité le rassemblement autour d'un consensus sur les choix à prendre à long terme, l'expansion du secteur privé et la transformation du mode de croissance économique. La responsabilité incombe, ajoute-t-il, aux entrepreneurs de défendre l'entreprise, en particulier l'entreprise privée dans le cadre de la politique économique nationale. La priorité doit être accordée, selon lui, à la ressource humaine, surtout la jeunesse algérienne, «un potentiel formidable». Refuser la responsabilité, «une très grande trahison» Le président d'honneur et fondateur du Forum des chefs d'entreprises, le moudjahide Omar Ramdane a appelé, pour sa part, lors de son intervention, à l'implication des entreprises algériennes à l'édification d'une économie diversifiée. «Il est plus qu'urgent d'interpeller l'opinion publique sur l'avenir économique du pays. Il faut parvenir à construire cette économie diversifiée d'ici 10 où 15 ans. A moins de 100 dollars le baril, nos finances seront déséquilibrées. Et aujourd'hui, personne n'osera faire des projections pour dire que les prix du pétrole vont se maintenir, compte tenu de la spéculation et d'autres aléas. Sommes-nous incapables de produire ? Qui est responsable de cette situation ? (…) Nous avons les moyens financiers nécessaires pour compter sur nous-mêmes. Il faudrait travailler pour faire émerger notre pays. C'est d'ailleurs le but de cette rencontre qui sortira avec une liste de propositions. Le Forum prend ses responsabilités et fait confiance à notre élite économique», a affirmé M. Ramdane, invitant les participants «à ne pas se contenter de décrire la situation économique du pays, mais plutôt à agir même avec des propositions». «Nous sommes tous responsables. Le grand révolutionnaire et martyr Mustapha Benboulaïd disait à ses compagnons de guerre, le 22 mars 1956, que ne pas accepter une responsabilité peut être une trahison, mais la refuser est une très grande trahison», a tenu à rappeler à l'assistance le président d'honneur du FCE. Socialisme, libéralisme et étatisme Dans une rétrospective sur les 50 ans de politique économique, le professeur et expert Abdelmadjid Bouzidi a relevé les lacunes et les ambiguïtés de la politique économique algérienne en soulignant que «la manne pétrolière fait revenir à chaque fois l'Etat à la gestion de l'économie et de la cagnotte». Depuis l'indépendance, l'Algérie peine à édifier une économie diversifiée et une industrie performante. «La croissance économique ne repose pas sur la productivité et elle est coûteuse. Nous sommes toujours dans le traitement social du chômage qui se fait par l'engagement d'importantes dépenses publiques. La gestion des entreprises ne repose pas sur la compétence, mais sur la fidélité politique», a soutenu dans sa communication le professeur Bouzidi. D'autres intervenants, dont le professeur Ahmed Bouyacoub, ne partagent pas le constat critique sur la politique économique et l'usage de la rente pétrolière. «On ne peut pas comparer l'Algérie à la Corée du Sud. L'Algérie a investi depuis 1962 environ 700 milliards de dollars, alors que la Corée du Sud a mobilisé 5000 milliards de dollars durant la même période. Il faudrait aussi dire que le développement de certaines économies est le fait de la politique de délocalisation des multinationales. La rente pétrolière algérienne est réelle. Elle est dans le patrimoine des entreprises et des infrastructures, sans compter les biens des personnes», a indiqué le professeur Bouyacoub, soulignant que la faiblesse de la main-d'œuvre algérienne est un facteur à mentionner dans la critique de la politique économique du pays. Le patron de HSBC Algérie, Rachid Sekkak, a invité, de son côté, les décideurs du pays à sortir du «discours du partage du gâteau à celui de la croissance du gâteau». Ainsi donc, les travaux de ce symposium devront être sanctionnés, aujourd'hui, par l'adoption de 50 mesures pouvant aider l'Algérie à sortir de cette dépendance des hydrocarbures. Le président du FCE a refusé hier de donner plus de détails sur ces propositions, invitant la presse à attendre les conclusions du symposium attendue aujourd'hui.