Tous les Français, et avec eux les Européens et beaucoup d´étrangers, seront braqués ce soir sur le débat télévisé qui opposera les deux candidats à l´Elysée. Un duel qui devrait permettre à François Hollande de confirmer son option sérieuse pour la présidence de la République, ou offrir la dernière possibilité à Nicolas Sarkozy de réduire l´écart de huit points qui le sépare de son rival, 46% contre 54% selon les sondages d´opinion, et pourquoi pas, le coiffer au poteau. De nouvelles révélations ! Or, il se trouve que Kadhafi s´est invité à cette campagne. A quelques jours du jour J, le colonel libyen n´est plus l´argument en faveur de la réélection de Sarkozy d´il y a quelques mois, après la «victoire de la guerre de Libye», mais un témoin à charge. Qui t´a fait roi ? Sarkozy devra s´expliquer sur les 50 millions d´euros qu´il a reçus du leader libyen. Il lui faut plus qu´une banale plainte en justice pour convaincre ses compatriotes que Mediapart a fait dans la «diffamation et le faux et usage de faux» en publiant l´authentique document daté de 2006 et signé de la main de l´ex-chef des services secrets libyens Moussa Koussa, sur l'«accord de principe» donné par Kadhafi pour financer sa campagne face à Ségolène Royal. Sarkozy a attaqué le site d´information en justice mais s´est bien gardé d´en faire de même avec Ziad Takieddine. Ce richissime trafiquant d´armes libanais qui fut l´intermédiaire dans ce contrat a, pourtant, qualifié le document d´ «authentique». Mieux, loin de se laisser intimider par une éventuelle poursuite judiciaire, le site d´information persiste et signe et fait d´autres révélations sur cette «affaire d´Etat». Sarkozy a fait un marché avec Kadhafi : de l´énergie nucléaire contre la libération des infirmières bulgares. Au départ, une opération destinée à le faire réélire. A l´arrivée, cette scandaleuse affaire accélère sa sortie de l´Elysée. Marine Le Pen : «va faire le plein ailleurs !» Pour renverser la tendance en sa faveur, Nicolas Sarkozy aura usé de tous les moyens, ne s´embarrassant pas des contradictions et s´emparant des symboles des autres. Il a célébré le 600e anniversaire de Jeanne d´Arc pour la première fois à la veille de la campagne électorale. Hier, il célébrait le 1er mai au Trocadéro, pour la première fois également. Ce soir, il va exploiter à fond le «sentiment nationaliste». L´argument de la dernière chance, même si les jeux semblent déjà faits, Marine Le Pen lui ayant répondu, hier, d´aller faire le plein ailleurs. Si la majorité des Français ne voient pas en François Hollande, ni d´ailleurs en n´importe quel autre candidat, le président idéal, capable de résoudre ses problèmes d´emploi et de logement, il y a la certitude qu´elle ne veut pas de Nicolas Sarkozy. Trop de promesses non tenues, trop de mensonges et trop d´affaires louches qu´il traîne comme des casseroles. Le désarroi d´un président sortant C´est un président sortant en plein désarroi qui entend quand même user de tous les moyens pour rester un mandat de plus à l´Elysée. Si comme c´est prévisible, il était battu dimanche prochain par le candidat socialiste, il serait alors le seul président de la Ve République, en dehors de George Pompidou décédé avant le terme de son mandat, à avoir passé le moins de temps (5 ans) à l´Elysée. Giscard d´Estaing a fait certes un seul mandat mais de 7 ans, alors que François Mitterrand et Jacques Chirac y auront passé 14 ans chacun. Impopulaire au bout de deux ans à l´Elysée, Nicolas Sarkozy est encore le seul président sortant à s´être positionné deuxième au premier tour. Giscard d´Estaing était arrivé en tête en 1981 avant de se faire devancer par Mitterrand. Malgré tous ces indicateurs qui en disent long sur son manque de popularité auprès de ses compatriotes, il croit en ses chances, au miracle de faire basculer, ce soir, les pronostics en sa faveur. Le show politique de ce soir L´homme est, certes, une bête politique, rodé aux débats et aux meetings grand public, ayant réponse à tout, mais il lui manque l´essentiel. Il n´a pas les réponses qu´attendent ses compatriotes. Il peut donc user de ses fameuses piques qui amuseront les médias, interroger Hollande sur le vote des immigrés aux municipales ou lui demander de dire devant les Français – en réalité devant les électeurs du Front National qui sont les plus courtisés par le candidat de droite – s´il considère qu´il y a trop d´étrangers en France ou pas assez. La crise économique aura bon dos pour le candidat «Merkozy». Hollande quant à lui n´est pas un débutant en politique. Plus que ses «60 propositions», le bilan du mandat de Sarkozy reste son meilleur argument. Lui-même très doué pour les petites répliques, pour son sens de l´humour, le spectacle est garanti.
