La grève générale du 19 mai 1956, initiée par la section d'Alger de l'Union Générale des Etudiants Musulmans Algériens (UGEMA), a été un tournant dans l'engagement des étudiants algériens dans la lutte de libération nationale. Leur lutte, depuis la création du mouvement nationaliste en 1926, s'inscrivait dans le mouvement global des revendications du mouvement national. En effet, dans les années 1920 et 1930, les étudiants algériens avaient créé respectivement l'Association des Etudiants Musulmans d'Afrique du Nord nationale et indépendantiste, et l'Association des Etudiants Musulmans nord-africains. Dans le cadre de la lutte armée, les dirigeants du FLN, tenant comptent de l'importance de l'organisation et de l'encadrement de la lutte, ont fait appel aux étudiants. C'est dans ces conditions qu'a eu lieu, le 8 juillet 1955, le congrès constitutif de l'UGEMA en vue d'unifier les syndicats estudiantins, dont la présidence est revenue à Ahmed Taleb El Ibrahimi, de l'association des Ulémas. Ainsi, tout en gardant un lien étroit avec le FLN, l'UGEMA a mené un combat aux cotés des syndicats internationaux pour porter les aspirations d'indépendance du peuple algérien. L'appel du 19 mai 1956 La première action de l'UGEMA fut d'inciter les étudiants de l'université d'Alger à boycotter les cours et les examens, soit l'appel du 19 mai 1956. «Notre passivité face à la guerre qu'on mène sous nos yeux nous rend complices. La fausse quiétude dans laquelle nous sommes installés ne satisfait plus nos consciences. Notre devoir nous appelle à d'autres tâches plus urgentes, plus glorieuses. Notre devoir nous appelle à la souffrance quotidienne aux côtés de ceux qui luttent et meurent libres face à l'ennemi. Nous observons tous la grève immédiate des cours et examens et pour une durée illimitée. Il faut déserter les bancs de l'université pour le maquis. Il faut rejoindre en masse l'ALN et son organisme politique le FLN. Etudiants et intellectuels algériens, pour le monde qui nous observe, pour la nation qui nous appelle, pour le destin héroïque de notre pays, serions-nous des renégats ?» Cet appel fut entendu et bon nombre d'universitaires algériens, mais aussi de lycéens ont rejoint les maquis. Nombreux sont ceux qui, acquis à la thèse indépendantiste depuis les massacres du 8 mai 45, avaient quitté les bancs de l'école pour rejoindre le Parti du Peuple Algérien (PPA) et ensuite le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (MTLD). La conscience politique de ces étudiants, bien que nombreux, soient issus de familles aisées et de notables, n'étaient plus à prouver. Leur appartenance à une classe aisée, l'avenir qui s'offrait à eux n'ont pas été un frein dans leur volonté de lutter contre le joug colonial. L'appel du 19 mai insiste sur ce point : «Avec un diplôme en plus, nous ne ferons pas de meilleurs cadavres ! A quoi serviront-ils, ces diplômes qu'on continue à nous offrir pendant que notre peuple lutte héroïquement ?». Internationaliser la cause algérienne Sur le plan international, l'UGEMA devait informer les opinions publiques du sort du peuple algérien. Pour ce faire, l'UGEMA a défini sa politique : «Notre but était clair : informer, expliquer la tragique réalité algérienne, démystifier le monde étudiant qui distingue mal la France culturelle de la France colonialiste, gagner les sympathies à notre juste cause, obtenir l'engagement concret de la communauté étudiante mondiale dans la lutte que nous menons». Cependant, les étudiants ne furent pas épargnés malgré leur jeune âge par la sauvagerie de l'armée française, et l'épisode de la «bleuite», l'intoxication des maquis par les services psychologiques du capitaine Paul Alain Léger et le colonel Godard, a causé la mort de nombreux universitaires.