Le ministre espagnol des Affaires étrangères se rendra mardi à Londres où officiellement il discutera avec son homologue britannique des mesures à prendre en cette grande période de crise économique en Europe. C'est toutefois le contentieux de Gibraltar qui risque d´être le point essentiel de l´ordre du jour de cette rencontre décidée de longue date entre l´Espagnol José Manuel García- Margallo et le britannique William Haigue.
Le traité d´Utrecht de 1713 Au début de la semaine dernière, les incidents se sont multipliés dans la zone du Rocher entre gardes-côtes de la Royal Navy et les chalutiers espagnols. Mardi, ce sont les gardes-côtes espagnols, appuyés par des hélicoptères et un destroyer, qui sont entrés en scène pour assurer la protection des chalutiers qui avaient été approchés de trop près et à grande vitesse par la Marine de guerre britannique et les vedettes de Gibraltar. Ce genre d´incident qui se répète depuis des années a déjà conduit à des protestations officielles de Madrid auprès de Londres et inversement. Le malaise diplomatique entre ces deux partenaires de l´Union européenne est toutefois loin d´être une simple affaire de pêche. Le problème est celui de la souveraineté sur Gibraltar, un rocher cédé pour 300 ans par l´Espagne à la couronne britannique à des «fins militaires», à la faveur dudit traité d'Utrecht en 1713. L'Espagne revendique sa souveraineté A l´approche de l´expiration de ce traité, l´Espagne a formulé ses droits historiques sur cette partie de son territoire dans le cadre du «Processus de Bruxelles». Durant les années 90 et jusqu´au début des années 2000, sous l´ancien gouvernement de José Maria Aznar, les discussions entre Madrid et Londres sur cette question connaissaient même quelques progrès. Les deux pays négociaient un projet sur le futur statut du penon et une formule-compromis avait même été trouvée : la «co-souveraineté» hispano-britannique sur ce territoire en litige dont les habitants sont particulièrement hostiles à toute souveraineté espagnole même partielle. Le ministre principal de Gibraltar, Peter Caruana, organisera en 2006 un «référendum à blanc» autour de la question de la co-souveraineté. La réponse est «non» à plus de 95%. L´attachement de la population de Gibraltar à la Couronne britannique n´est désormais plus négociable, selon tous les gouvernements britanniques qui vont se succéder, conservateurs ou travaillistes. Le «Forum tripartite» enterré par Rajoy La venue des socialistes au pouvoir en Espagne a mis entre parenthèses la question de la souveraineté au profit d´un dialogue à trois (Espagne-Royaume-Uni-Gibraltar). Des questions secondaires dont les activités de pêche dans la zone maritime commune sont débattues dans ce «Forum tripartite» créé à l´initiative de Miguel Angel Moratinos, le ministre des AE de José Luis Zapatero. Tout au long de la campagne pour les élections générales du 20 novembre 2011 remportées par le Parti Populaire (PP), l´actuel président Mariano Rajoy avait toujours promis qu´il remettrait la question de la souveraineté espagnole sur Gibraltar à l´ordre du jour des relations avec Londres. Ce qu´il fit, au début de l´année, sitôt après avoir pris ses fonctions en adressant une lettre en ce sens à David Cameron. La réponse du Premier ministre britannique ne se fait pas attendre : pas question de souveraineté sans l´avis des habitants de Gibraltar. Le bras de fer est engagé et tout incident dans la zone maritime débouche sur une tension et donne libre cours à de virulentes campagnes de presse des deux côtés. Le 60e anniversaire du couronnement d´Isabelle II C´est dans cette ambiance tendue qu´est intervenu le 60e anniversaire du couronnement de la reine Elizabeth II. L´annonce de la visite du prince Edouard, fils cadet de la reine, à Gibraltar où sera célébré début juin cet événement, a provoqué la colère de la diplomatie espagnole comme lorsque voilà quelques années la princesse Anne, fille aînée de la reine, avait effectué un même voyage dans le penon. L´ambassadeur britannique est immédiatement convoqué au ministère espagnol des Affaires étrangères pour «demande d´explications». La reine d´Espagne Sofia annule aussitôt la visite qu´elle avait prévue cette semaine à Londres où elle était invitée aux cérémonies d´anniversaire du couronnement de la souveraine britannique. La tâche de García-Margallo, mardi à Londres, servirait, dans le meilleur des cas, à faire baisser la tension et non à obtenir le principe de la reprise du dialogue autour du délicat contentieux sur Gibraltar qui se pose aujourd´hui en ces termes : le Rocher appartient à l´Espagne et ses habitants veulent rester britanniques.