Madrid a exprimé son irritation, hier, à la veille de la commémoration à Gibraltar, en présence d'un ministre envoyé par Londres, de “l'occupation militaire” de ce territoire par les Britanniques, selon les termes du chef de la diplomatie espagnole Miguel Angel Moratinos. “Commémorer le fait qu'un allié européen, membre de l'Union européenne, se soit emparé d'une partie du territoire d'un autre ne nous paraît pas l'attitude la plus adéquate”, a estimé sur la radio Cadena Ser le secrétaire d'Etat espagnol aux Affaires étrangères, Bernardino Léon. M. Moratinos, dans un article publié mardi par El Pais, a jugé “très étrange que l'on commémore dans l'Union européenne, en plein XXIe siècle, l'occupation militaire d'une partie d'un Etat membre par un autre”. Le gouvernement espagnol, qui revendique le petit territoire britannique situé à la pointe sud de la péninsule, considère que “la question de Gibraltar est pleinement ouverte”, selon M. Moratinos, qui réclame “une solution réaliste au dernier vestige colonial d'Europe”. “La blessure de Gibraltar demeure béante”, a renchéri Bernardino Léon, qui, interrogé sur les possessions espagnoles de Ceuta et de Melilla, revendiquées par le Maroc, a répondu que les “deux questions n'ont rien à voir l'une avec l'autre”. La vivacité de la réaction de Madrid, qui a protesté officiellement contre la visite à Gibraltar du ministre britannique de la Défense, Geoff Hoon, “ne fait que refléter le sentiment collectif, émotionnel de la société espagnole”, a-t-il assuré. L'Espagne, qui a cédé Gibraltar à l'Angleterre en 1713, revendique ce territoire de 6 km2 dont les 30 000 habitants sont farouchement attachés à la couronne britannique. Londres s'était emparé militairement de Gibraltar le 3 août 1704. Voilà un contentieux vieux de trois siècles qui pourraient provoquer une détérioration des relations entre Madrid et Londres. Depuis quelques années, l'Espagne ne cesse de revendiquer ce morceau de rocher, alors que les Britanniques ne veulent aucunement entendre parler d'une restitution. Il est même question que le gouvernement de Zapatero ait recours à la Cour européenne de justice pour forcer la main à la Grande-Bretagne. L'Union européenne sera peut-être appelée un jour à prendre position sur cette question qui voit deux de ses membres s'entredéchirer pour une portion de territoire. K. A./A.