«Un choc et une surprise». C'est ainsi que plusieurs titres de la presse marocaine ont qualifié l'importante augmentation des prix des carburants en vigueur depuis samedi au Maroc. Le journal El Massa, quotidien arabophone marocain de large audience, a écrit que «cette augmentation est un choc pour les Marocains, qui s'attendaient à ce que le gouvernement islamiste décide plutôt d'augmenter les salaires». Samedi à minuit, les prix des carburants à la pompe ont été augmentés d'environ 20% pour l'essence et de 10% pour le gazole. C'est ainsi que le prix à la pompe de l'essence a été augmenté de 2 dirhams le litre (un litre vaut actuellement 12,24 dirhams, soit 1,11 euros) et celui du gazole de 1 dirham (un litre comptant désormais 8,20 dhs au lieu de 7,20). Une partie de la presse marocaine craint que la cette augmentation ne cause des tensions. La baisse du pouvoir d'achat est déjà évoquée et pourrait aboutir, selon le quotidien arabophone marocain Assabah, à des soulèvements sociaux. «Colère populaire et déception après la décision du gouvernement d'augmenter les prix du carburant», écrit quant à lui le quotidien Al-Ittihad Al-Ichtiraki. La situation pourrait être accueillie avec un large sourire par les contrebandiers du carburant qui, des deux côtés des frontières algéro-marocaines, activent de jour comme de nuit. Déjà, en 2011, le groupement de la Gendarmerie nationale de la wilaya de Tlemcen, frontalière avec le Maroc, avait saisi un million de litres de carburant dans le cadre de la lutte contre la contrebande. C'est ce qu'a déclaré le groupement de gendarmerie dans son bilan annuel. Le chiffre est un record jamais atteint depuis 20 ans, selon les gendarmes qui expliquent que d'habitude, le volume d'un million de litres était saisi annuellement au niveau national et pas seulement dans la wilaya de Tlemcen. Les gendarmes précisent avoir mis en échec 1000 tentatives d'acheminement de carburant à partir de la wilaya de Tlemcen vers le Maroc durant la même année. En contrepartie, les contrebandiers «importent» du Maroc de la résine de cannabis, des boissons alcoolisées et des produits frelatés. L'augmentation des prix du carburant au Maroc depuis samedi pourrait motiver encore davantage les contrebandiers qui risquent de multiplier les tentatives d'acheminement d'un volume de carburant plus important. Rush sur les permis de conduire catégorie «lourd» La wilaya de Tlemcen, qui a donné instruction interdisant la circulation des camions s'ils ne sont pas dotés de remorques, semble dépassée par le phénomène de la contrebande de carburant. Non seulement l'instruction qui a pour but d'empêcher la fuite des camions remplis de carburant destiné à la contrebande n'est pas toujours respectée, mais de plus en plus de jeunes sont enrôlés par les contrebandiers. Souvent, des camions sans remorque remplis de carburant (parfois des doubles réservoirs sont aménagés pour transporter le maximum de carburant possible) tentent de fuir en direction du Maroc quand ils sont poursuivis par les véhicules des forces de sécurité ou des douanes. Leur dotation en remorque tendrait à réduire leur vitesse, explique-t-on. Quant à eux, de nombreux jeunes de cette wilaya se ruent vers les auto-écoles pour l'obtention du permis de conduire catégorie «poids lourd». Les jeunes voulant devenir de futurs «hallaba» (qualificatif donné aux contrebandiers du carburant) savent très bien que l'activité illicite rapporte gros. Ils seront chargés de conduire des camions remplis de carburant destiné à traverser les frontières marocaines. «Chaque conducteur de ces camions dont les réservoirs sont remplis de carburant destiné à être passé au-delà des frontières ouest gagne quotidiennement 7000 DA pour trois ou quatre navettes», nous a-t-on expliqué. C'est ainsi que «le conducteur du camion gagne de cette façon près de 210 000 dinars par mois», précisent-ils. En contrepartie, le bénéfice des propriétaires de ces camions est beaucoup plus important. «Le conducteur d'un camion-citerne gagne 1,10 million de dinars par mois», nous a-t-on confié. Les trafics sont enregistrés en particulier à Maghnia et Laârich, selon les investigations de la gendarmerie.