Deux présidents d'APC de la wilaya de Boumerdes viennent d'être relevés de leurs fonctions sur décision du wali. M. Boussaïdi, le maire de Tidjelabine, est un «indépendant» qui se fait élire régulièrement à la tête de la municipalité depuis trois mandats. Notre correspondant local rapporte qu'il a été accusé «de non-respect de la réglementation en vigueur dans la gestion des affaires de la cité». Le second est maire de Si Mustapha, il est du FFS et il lui est reproché de n'avoir pas respecté le code des marchés. Comme on ne peut faire mieux en matière de généralité, c'est-à-dire d'imprécision, il n'est pas difficile de deviner que l'«accusation» en question est celle de la «tutelle», la justice étant quand même un peu plus regardante sur la terminologie. Pourtant, dans de pareilles conditions, le wali n'est censé prendre que des mesures conservatoires, afin de permettre au maire ou un autre responsable de se mettre à la disposition de la justice qui, en dernier lieu, décide de sa culpabilité ou non, et partant, de l'avenir de son mandat d'élu. Mais comme il n'est pas toujours évident que la justice reproche la même chose que le wali aux élus, le conflit d'intérêt, du moins dans sa formulation, devient tel que l'opinion la plus éclairée en arrive à se demander s'il n'y a pas deux affaires dans la même affaire. Pourtant, dans le cas précis comme dans tous les autres, les choses auraient dû être beaucoup plus simples : que la justice fasse son travail ! Avant d'être déclaré coupable, on est innocent. Et après avoir été déclaré coupable, on n'est plus innocent. Mais dans ce genre de situation, personne ne «joue le jeu» parce que tout le monde a quelque chose à se reprocher. La hiérarchie à qui il arrive d'être incommodée par quelques élus dont la liberté de ton ou l'audace dans la gestion deviennent carrément insupportables à partir d'un certain «seuil de tolérance». Les élus eux-mêmes qui sont rarement exemplaires en matière de compétence et d'intégrité. Enfin, la justice dont l'indépendance et l'équité font toujours sourire, qu'elles aient été les améliorations enregistrées en la matière. Alors quand un maire où un autre élu est mis au-devant de la scène comme c'est le cas des maires de Tidjelabine et Si Mustapha, systématiquement, on se tourne vers les uns ou les autres avec les mêmes réflexes. Le wali a «suspendu le maire parce que c'est un opposant politique ou parce qu'il faut bien trouver un fusible à sauter pour étouffer un scandale qui implique des gens très haut placés». A moins que ce ne soit «l'ampleur de la malversation, du détournement ou du gaspillage qu'il s'agit de minimiser aux yeux de l'opinion». Du côté des «accusés», c'est évidemment toujours à leur gestion irréprochable qu'on en veut, l'enfer c'est toujours les autres. Autant clamer donc son innocence par le procès d'intention, faute de pouvoir le faire en fournissant des preuves convaincantes. On ne peut pas être maire et être accusé de corruption, de détournement, de malversation ou de mauvaise gestion sans que ce ne soit dans le cadre d'un complot ourdi, dont ceux qui tirent les ficelles ne sont évidemment jamais nettement désignés. L'opinion, elle, «savait» déjà que tel ou tel scandale allait éclater. Même si on n'est forcément déçu que ça reste à ce niveau de responsabilité et avec des dégâts aussi insignifiants par rapport à la «réalité» ! Il en a toujours été ainsi et ça le restera sans doute pour longtemps. Personne ne croit à l'ampleur et au niveau de responsabilité révélé dans les affaires publiques qui font scandale. Et ce n'est certainement pas la justice qui va écarter le doute, puisque pour le commun des Algériens, elle est forcément «impliquée» dans le dispositif d'étouffement des «affaires», de réduction de leur ampleur et parfois dans l'usage qu'on en fait, comme les règlements de compte. Et quand interviennent les états-majors politiques, il ne faut jamais s'attendre à entendre une réaction du genre : laisser la justice suivre son cours ou présomption d'innocence. On ne peut surtout pas espérer une promesse de sanction en cas de culpabilité avérée. A Tidjelabine, à Si Mustapha comme à Boutlélis, dans la wilaya d'Oran, où le maire et ses adjoints viennent d'être suspendus, on peut tout savoir sans y croire. On croit déjà tout, sans ne savoir.