On nous avait assuré que nous ne manquerons pas de viande, voilà que nous manquons de… lait ! Il est des promesses dont les algériens se passeraient volontiers, mais les promesses ne se font pas sur commande. Les résultats non plus. On y est habitué mais cette année, on a «innové». On voulait baisser les prix de la viande, la viande a presque… doublé de prix. On a voulu «équilibrer» le marché, personne n'a compris par quel mécanisme ça se fera, puisqu'on a même renoncé aux importations «traditionnelles». D'autres ont voulu «rééquilibrer» les prix, ils on appelé les Algériens à boycotter la viande, pour que la viande arrête de les boycotter. On «savait» que ça n'avait aucune chance de marcher, mais il paraît que le «taux de suivi» de la grève du jarret est de 30%. On ne sait pas comment les organisateurs du débrayage de la chair ont fait pour calculer le niveau de réussite de leur «initiative citoyenne» mais on sait que ça ne se voit pas du tout chez les bouchers. On se pose également la question de savoir qui est comptabilisé dans les 30%. Ceux qui ne mangent jamais de viande et se moquent donc des pourcentages du boycott de la viande, ceux qui se sont mis récemment au régime anti-cholestérol et anti-goutte, ceux qui achètent leur viande là où personne ne l'achète, ceux qui «égorgent» des moutons parce qu'ils ont des frigos suffisamment grands pour contenir la provision du ramadhan, ceux qui ont des abattoirs clandestins ou tout le reste, c'est-à dire ceux que les «appeleurs» n'ont ni les moyens ni le savoir-faire ni le temps de comptabiliser ? Le lait manque donc, mais on peut toujours se rabattre sur la viande ! Il paraît que le liquide blanc se raréfie parce que le Ramadhan coïncide cette année avec… l'été ! Cela fait plusieurs années que cette coïncidence est là mais à leur décharge, les explicateurs du manque de lait peuvent toujours rétorquer qu'on a toujours… manqué de lait. Et qu'on ne change pas une explication qu'on n'est même pas obligé de donner. Il paraît qu'il n'y a pas de lait parce que pendant le ramadhan et pendant l'été, on boit trop de lait ! D'abord ce n'est pas vrai. On boit trop de petit lait, oui. C'est frais, ce n'est pas trop cher et on peut y ajouter le mesfouf aux raisins secs, même si les raisins secs font partie avec les dattes d'un autre boycott, anonyme, puisque jusque-là, il n'a pas été revendiqué. On mange également trop de glaces et pour faire des glaces, il faut du lait. Les «enquêteurs» devraient d'ailleurs se pencher sur la question : pourquoi les fabricants et les vendeurs de glaces ne manquent jamais de lait subventionné ? Pourquoi ce sont toujours ceux qui servent de «prétexte» à la subvention qui en sont privés, qui en sont humiliés ? Mais on ne pose pas ce genre de questions pendant le ramadhan, surtout quand le ramadhan coïncide avec l'été. D'abord parce qu'il fait chaud et les questions chauffent encore plus le corps et l'esprit, ensuite parce que ça ne sert à rien de poser les questions dont on a les réponses. Et enfin parce que ceux qui réfléchissent à une autre forme de solidarité sociale qui ne profite qu'aux plus faibles n'ont pas terminé de réfléchir. Il y a aussi les «flans». Pour faire un flan, il faut du lait et pendant le ramadhan, qu'il coïncide avec l'été ou non, on mange beaucoup de flans. Vous vous rendez compte ? Non seulement les Algériens, qui ne sont pas tous obligés d'en manger, mangent quand même des yaourts, mais en plus, ils mangent des flans caramel pour ensuite se plaindre de la tension sur le lait ! Ils sont terribles, les pauvres, on leur interdit le dessert parce que c'est trop cher pour eux, ils inventent des desserts pas trop chers ! Heureusement qu'on ne peut pas obtenir de la viande à partir du lait, sinon ça va être une vraie catastrophe. Slimane Laouari