Le président espagnol Mariano Rajoy a mis sur la table, pour examen en «cellule de crise» fermée, tous les scénarios qui se présentent dans la situation de naufrage financier que connaît l´Espagne. Ce pays qui est forcé d´emprunter sur les marchés financiers libres à des taux supérieurs à 7%, pendant que la France et l´Allemagne accèdent à des crédits similaires deux fois moins élevés, a perdu toute visibilité financière et économique sur le court et le moyen terme. Il se rend de plus en plus à l´idée d´aller vers le plan de sauvetage européen, comme l´a fait la Grèce en 2010, et après ce pays le Portugal puis l´Irlande. C´est maintenant au tour de l´Espagne de se préparer à ce scénario que le président Rajoy a obstinément rejeté, même sous les conseils du président de la Commission européenne chargée de la Concurrence, l´Espagnol Joaquin Almunia. Les scénarios du pire Le FMI, Bruxelles et des experts espagnols de renom ont tenté de convaincre le président espagnol que son pays ne pourra pas équilibrer ses dépenses publiques dans les conditions actuelles du marché financier. Il ne pourra pas en conséquence ramener son taux de déficit public de 8,5% à 3% de son PIB à l´horizon 2014, comme l´exige le pacte de stabilité économique de l´Union européenne. En 2013, le PIB espagnol chutera de 0,5%, aggravant ainsi la trajectoire d´une croissance négative, malgré toutes les recettes les plus draconiennes qui ont été essayées à ce jour : coupes dans les budgets de tous les ministères, compression des effectifs, réduction des salaires des fonctionnaires, augmentation de 18 à 23% du taux de la TVA et toute une série d´autres mesures antisociales qui ont poussé les gens dans la rue. L'Espagne avait jusqu'alors obstinément rejeté toute idée d´aller vers le plan de sauvetage. Cet instrument financier doté d´un montant de 440 milliards d´euros que l´Eurogroupe a créé en 2010 pour venir en aide aux pays européens surendettés serait nettement insuffisant pour soutenir l´économie espagnole, la quatrième d´Europe. Le président Rajoy n´écarterait donc plus cette solution du «remède qui est pire que le mal». Cette option est en train d´être intégrée en même temps que d´autres scénarios possibles (voir plus loin) qui tous risque de conduire l´Espagne, tout comme ce fut le cas pour la Grèce, vers un «désastre économique». Toutes les portes des marchés financiers seront définitivement fermées pour l´Espagne qui sera obligée, en plus, d´adopter davantage de mesures d´austérité, insupportables pour la société avec des conséquences sociales et politiques imprévisibles. Le gouvernement Rajoy n´a pas encore fait le tour de la question. Si tous ses membres sont d´accord que soit évité le «fantasme du sauvetage total», la «cellule de crise» travaille, en ce moment, sur deux autres scénarios dans le plus grand secret : la sortie de l´Espagne de l´euro et le moratoire de la dette espagnole. Le scénario idéal Le scénario idéal que serait une intervention de la Banque Centrale Européenne (BCE) pour réduire les tensions provoquées par les marchés financiers sur la dette espagnole est de plus en plus improbable aux yeux de nombreux membres du gouvernement, voire de plus en plus abandonné. Mais le Président Mariano Rajoy s´y accroche encore. Pour combien de temps ? Ces derniers jours, Rajoy a multiplié les contacts avec un certain nombre de partenaires européens de premier plan et même les Etats-Unis pour leur demander de le outenir dans sa «stratégie de pression» sur l´Allemagne. Une initiative qui a connu une certaine réussite déjà lors du Sommet européen des 28 et 29 juin, puisque Bruxelles a fini octroyer à l´Espagne une «ligne de crédit» de 130 milliards d´euros destinée exclusivement à l´assainissement du secteur bancaire espagnol. C´est cette solution que veut Rajoy pour sauver l´économie espagnole et non plus un seul secteur. Pas question, a répondu Mme Merkel. Particulièrement sensible à la situation de naufrage dans lequel se trouve l´Espagne, le président du Conseil italien Mario Monti a pris les devants, la semaine dernière, pour soutenir l´initiative de son collègue espagnol avec qui il a eu, au préalable, une série de conversations téléphoniques sur le sujet du jour. M.Monti a pris contact avec le président François Hollande pour lui demander de soutenir ensemble cette stratégie de pression qui sera au centre de la visite qu´il effectuera le 2 août à Madrid. Le ministre espagnol des Finances, Luis de Guindos, était lui à cette fin mardi à Berlin où il a rencontré son homologue allemand, Wolfgang Schatible, avant de se rendre dans la précipitation hier à Paris pour y rencontrer le ministre français de l´Economie, Serge Moscovici. La crise politique en perspective D´ici le 2 août, un délai assez long, le gouvernement espagnol continuera d´insister pour recevoir des signaux d´apaisement de la part de Berlin qui ne veut pas payer davantage pour les autres. L´urgence pour l´Espagne est de ramener la confiance immédiate sur les marchés financiers où la dette espagnole avait atteint, mardi, la barre des 640 points, par rapport à l´équivalent allemand, pendant que la Bourse de Madrid (Ibex 35) effectuait une chute de 5,8%. Engagé dans une course contre la montre dans cette situation d´insolvabilité financière, Rajoy subit les pressions des communautés autonomes de son pays qui sont aux abois. Après Valence qui a réclamé, samedi dernier, un fonds de sauvetage au gouvernement central avoisinant les 4 milliards d´euros pour pouvoir honorer sa dette, ce fut, mardi, au tour de la Catalogne d´engager la même initiative. Cette région autonome considérée comme la plus riche d´Espagne est asphyxiée par une dette de 42 milliards d´euros. D´autres communautés pourraient donc emboîter incessamment le pas à ces deux régions, ce qui prédit des pires tensions sociales à travers le pays La situation politique risque donc de se compliquer sérieusement pour le Parti Populaire (PP) et le Président Mariano Rajoy dont la côte de popularité est en baisse. Selon un sondage effectué par l´institut Sigma à la demande du journal El Mundo, le PP a perdu 9 points, passant de 44,6% des voix obtenues aux élections générales de novembre 2011, à 35,8% ces 30 derniers jours. 56% des personnes interrogées disent avoir une «mauvaise opinion» du Président Rajoy, contre 18% seulement qui lui sont favorables.