Le président du MSP, Bouguerra Soltani, doit certainement se dire que la meilleure façon d'avoir une réponse qu'on connaît déjà ou de ne pas en avoir du tout, est de poser la question aux journalistes. Le temps d'un temps mort à l'ouverture des travaux du conseil consultatif de son parti, il a donc inversé les rôles en renvoyant la question aux confrères qui lui demandaient les raisons de la démission d'Amar Ghoul : «C'est vrai, pourquoi il a démissionné, selon vous ? Il serait intéressant de lui poser la question et si possible me tenir informé de sa réponse» ! Avant d'en arriver aux «raisons», il faudra peut-être se poser cette question de savoir pourquoi à plus d'un mois après avoir claqué la porte et lancé son propre parti, on continue à parler de sa «démission» comme si elle intervenait tous les jours depuis. Pourtant, on savait que l'homme était d'abord «ministre» et accessoirement militant ou cadre du parti islamiste. On le savait aussi et surtout ambitieux. Il n'est ni une bête politique ni un technocrate brillant mais il sait compenser ses manques. Une rare roublardise dans la gestion de la communication et dans la gestion tout court, une surveillance infaillible de la direction du vent, et un effort de fréquentabilité chaque jour renouvelé. Si la discipline partisane de l'ancien ministre des Travaux publics n'a pas été prise en défaut jusqu'aux dernières législative, c'est parce qu'il… n'y avait pas de quoi ! C'est dans la foulée de sa nomination au gouvernement que son parti a intégré l'Alliance présidentielle, il a hérité d'un portefeuille plutôt «technique», la direction du MSP sait généralement ce qui est politiquement attendu d'elle et Amar Ghoul n'a pas la réputation de faire dans l'agitation idéologique. Le reste est connu : Amar Ghoul n'est pas un islamiste, n'est pas un nationalo-conservateur, n'est pas un démocrate laïc, c'est le ministre de l'autoroute Est-Ouest et accessoirement des travaux publics. Alors quand M. Bouguerra Soltani dit avoir demandé à Ghoul et les autres démissionnaires pourquoi ils ont quitté le parti et que certains d'entre eux n'auraient pas trouvé quoi lui répondre, il devait en connaître les raisons : pour les mêmes raisons qui font que lui y reste. Et c'est lui-même qui en fournit l'explication, puisqu'il ne voit «aucun inconvénient à ce que la ligne du parti change» et qu'il suffisait aux «rebelles» d'attendre le congrès, tout proche, pour le faire ! Mais on peut tout reprocher à M. Soltani, sauf de ne pas savoir se ressaisir, puisque dans la foulée, il pose la question qui ne fâche pas : M. Ghoul et ses partisans ont-ils démissionné parce qu'ils estiment que le MSP ne doit pas quitter le gouvernement ? Et d'y répondre : cela témoignerait de la misère du parti. Une «misère» bien fertile, lorsqu'il tentera d'atténuer l'ampleur de la saignée et de son impact sur l'avenir de sa formation : «Je ne pense pas que leur départ puisse influer sur le MSP, car le mouvement est une institution qui est présente dans les 48 wilayas et 1060 communes. Notre formation a beaucoup de cadres, de parlementaires et des ministres» ! Comme quoi au MSP, qu'on soit dans l'Alliance présidentielle ou qu'on la quitte, qu'on soit au gouvernement ou qu'on envisage d'en sortir, qu'on soit dans l'alliance verte ou qu'on fasse semblant, qu'on fasse de l'entrisme ou de l'opposition, qu'on rejoigne Amar Ghoul ou qu'on reste dans la maison-mère, on sait toujours ce qu'on veut. Le reste est une histoire d'explication. Qu'on explique le pourquoi du comment par la chose ou par son contraire n'a pas d'importance. Slimane Laouari