Quand la nouvelle de la suspension de Tewfik Makhloufi pour «mauvaise foi et insuffisance d'effort» sur une autre course est tombée, tout le monde s'est précipité. Un peu trop précipité. Il fallait d'abord accabler la Fédération algérienne d'athlétisme et les responsables de la délégation aux Jeux olympiques, puis… on verra. D'abord, parce que dans ce cas précis, ils ne semblent pas au-dessus de tout reproche, en dépit de l'heureux développement de la situation. Ensuite, parce que l'administration du sport algérien, d'une manière générale, est loin d'être un exemple de performance pour que, le cas échéant, l'opinion publique se sente obligée de lui accorder les circonstances atténuantes. Et enfin, parce que l'enfant de Souk-Ahras étant le rare, pour ne pas dire l'unique chance de médaille pour le pays, on comprend aisément l'ampleur de la désillusion des Algériens et leur manque de «philosophie» dans la façon de l'exprimer. Et puis, ça n'aurait étonné personne, une énième bourde qui «en rajouterait» à une participation algérienne, déjà pas très brillante sur le plan purement sportif. Les états «jurisprudentiels» en la matière ne manquent pas de consistance. S'agissant d'«extras» qui enfoncent encore le niveau de la participation algérienne, il n'est pas superflu de rappeler l'abominable larcin des volleyeuses, les honteux survêtements de supermarché avec lesquels les sportifs algériens ont paradé à la cérémonie d'ouverture et le calvaire du pauvre petit boxeur à qui on a donné un short tellement large pour lui. Tellement large pour lui qu'il a passé plus de temps à le relever qu'à donner des coups ou se protéger de ceux de son adversaire. Et par dessus tout, l'histoire de Tewfik Makhloufi reste entière. Voilà un athlète qui devait renoncer à une des deux courses dans lesquelles il devait initialement concourir pour pouvoir mettre toutes les chances de médaille de son côté. Le plus simple, et tous les observateurs l'ont dit, était de le «désinscrire» dans les délais réglementaires. On ne l'a pas fait, ce qui a contraint les responsables à recourir à une solution, un peu plus compliquée, puisqu'il s'agit de se présenter et de prendre formellement le départ. D'après l'ancien champion marocain Saïd Aouita, qui doit quand même savoir de quoi il parle, aucune disposition réglementaire n'oblige l'athlète à un quelconque «effort» et pour lui, Makhloufi n'a commis aucune irrégularité. On pouvait donc refuser de fournir le certificat médical dont l'exigence semble relever du pur zèle des arbitres, d'autant plus que tout le monde savait que Makhloufi n'était ni malade ni blessé et qu'un certificat médical en l'occurrence ne pouvait être qu'un document de complaisance. Il aurait donc suffi d'un recours. Un recours qui ne devait de toute évidence qu'aboutir, puisque tout le monde savait que c'était une formalité. Le problème est que du coup est née une polémique qui a duré jusqu'au moment de la course. En fournissant le certificat médical, on a donné un argument à ceux qui ne demandaient qu'à «attendre». La mauvaise foi est évidente mais on tient son argument : on va voir s'il est réellement blessé ou malade, disait un commentateur français avec un incompréhensible air de défi ! Et Makhloufi n'était ni malade ni blessé ! Et il a fait une course époustouflante de lucidité, de maîtrise tactique et de vitesse. Une médaille d'or qu'on n'attendait pas avant les Jeux, qu'on a espérée après les épreuves de qualification et qu'on savoure maintenant. On la savoure d'autant plus qu'il serait mal venu aux responsables de venir plastronner à l'ombre de Tewfik Makhloufi. Il l'a décidément gagnée contre beaucoup de monde, cette médaille. Slimane Laouari