Dans le cadre de la célébration du cinquantenaire de l'Indépendance, l'association Machaâl Echahid a organisé hier matin, en collaboration avec le quotidien El Moudjahid, une conférence intitulée «L'opération de Mourépiane», animée par Ali Haroun. Connu pour son militantisme durant la Révolution, notamment au sein de la Fédération de France, l'avocat Ali Haroun a entamé sa conférence en affirmant que «le FLN voulait exporter la révolution à l'étranger. On voulait les frapper chez eux, sur leur terre. Le premier acte historique était programmé en France, précisément dans la région de Mourépiane». Le conférencier a tenu à rendre hommage à «ces valeureux combattants de la Wilaya VII qui étaient surnommés «l'armée des ombres». Une seconde lutte s'est déroulée en France même et n'a pas suffisamment fait l'objet de témoignages écrits, malgré l'importance de ce second front, indique-t-il. Il faut noter que cette facette de la guerre reste méconnue de la majorité des Algériens. C'est justement pour remédier à cet oubli que l'association Machaâl Echahid, qui ne cesse d'activer en organisant des rencontres à travers le territoire national, a initié la rencontre consacrée à l'opération de Mourepiane. Pour rappel, les acteurs de cette fameuse opération ont fait exploser les bacs de pétrole de Mourepiane en France. Les soldats de cette armée de l'ombre ont pris le relais, sur le territoire français proprement dit, du combat contre le joug colonial pour soulager l'ALN qui subissait, en 1958, dans les montagnes, les assauts des opérations du général Challes. Maître Ali Haroun note à propos du combat du FLN en France : «Il est une expérience unique et par cela même méconnue, celle de l'Organisation secrète en France. Jamais la lutte chez l'ennemi n'a connu une telle ampleur, illustrée, entre autres, par la destruction du dépôt pétrolier de Mourepiane. Cette opération a eu pour effet de déstabiliser la France de l'intérieur.» Dans un autre contexte, le conférencier a expliqué les méthodes choisies par les responsables de l'ALN pour recruter les membres de l'Organisation secrète (OS). Selon lui, «Saïd Bouaziz, responsable de l'OS en France, a désigné Nasreddine Aït Mokhtar comme responsable action. Il était étudiant en 3e année de médecine et a dû abandonner ses études pour faire partie de l'organisation. Il attira rapidement sur lui l'attention des responsables de la Fédération de France du FLN et fut, malgré son jeune âge, intégré rapidement dans les réseaux de la résistance. Lancé dans le feu de l'action, le jeune Nasreddine montrera des dispositions précoces qui gagneront la confiance de ses chefs. Il sera l'un des artisans de plusieurs opérations et plus particulièrement celle demeurée célèbre de la destruction du dépôt de pétrole de Mourepiane. Il fut aussi désigné responsable d'un important réseau opérationnel chargé d'exécuter des opérations contre des objectifs économiques et stratégiques». Ali Haroun a également expliqué les raisons pour lesquelles a été créée l'Organisation secrète, ses objectifs et le nouveau souffle qu'elle a apporté à la guerre de Libération. «Le choix était rigoureux, puisqu'il s'agissait de sélectionner les plus compétents, forts de corpulence, intelligents et combatifs», a-t-il souligné, avant de préciser : «Au sein de l'ALN, 4 ou 5 groupes étaient formés et entraînés en 6 mois. Composé d'une vingtaine d'hommes, le 1er groupe a été envoyé au Maroc, dans les Arayech, pour suivre un entraînement de 6 mois, jugé insuffisant par certains grands responsables. Et pour cause, ces jeunes combattants ne maniaient pas encore les armes, surtout les bombes. Parfois, elles leur explosaient entre les mains entraînant leur mort immédiate. Grand nombre d'entre eux sont décédés, sans pour autant être connus. Ali Haroun a donné la parole ensuite à Mouloud Ourari, ancien militant et acteur de ces attaques en France pour témoigner de cette partie de la guerre qui se passait sur les terres françaises. Lui aussi a été rapidement repéré par des responsables de la Fédération de France du FLN qui l'intègrent à l'Organisation spéciale. Il menait des opérations sur le territoire de l'Hexagone contre des objectifs stratégiques français. Partie prenante des faits, il se remémore le moindre détail des combats menés contre le colon. Abdelmadjid Chikhi, directeur des archives nationales, lui aussi invité de marque à cette conférence, a tenu à rendre hommage à ces «héros de l'ombre». Il est conscient de l'apport précieux qu'ont apporté ces grands combattants dans la lutte pour la libération de l'Algérie. Il a déclaré : «Grâce à eux, nous avons vaincu la France sur son territoire. Ils ont souvent été les oubliés de l'Histoire. Ils devraient être ressuscités dans notre mémoire collective.»