Clou, 60 ans, dessinateur de presse au quotidien belge La Libre Belgique à Bruxelles. Le Temps d'Algérie : Comment qualifiez-vous la publication des caricatures sur le prophète Mohamed (QSSSL) par Charlie Hebdo ? Clou : Pour nous, en Europe, il y a une séparation absolue de l'Etat et des religions. Et une liberté absolue d'opinion et d'expression. Les religions sont une affaire privée (chacun a le droit de croire à ce qu'il veut ou même de ne croire à rien. Il peut changer de religion comme il veut, etc. Il a le droit de dire ou d'écrire ce qu'il veut. La seule limite est l'attaque aux personnes, qui ont le droit de se défendre devant les tribunaux. Je n'ai pas le droit de dire (par exemple) tous les Allemands sont idiots (jamais je ne dirai une chose pareille), mais j'ai le droit de dire votre opinion est fausse. Et cela s'applique aussi aux religions. Pour prendre l'exemple de Charlie Hebdo, ils ont publié beaucoup plus de dessins sur les catholiques que sur l'Islam. Ça choque un peu les chrétiens, mais tout le monde trouve ça normal. Ils ont le droit de le faire. Parce que si on commence à interdire un truc, alors, on pourra tout interdire. La liberté d'expression ne se divise pas. En Amérique, c'est la même chose. C'est le résultat d'une longue lutte pour la liberté, et nous y tenons. C'est pour cela que Charlie Hebdo a publié ses dessins : pour montrer qu'ils voulaient rester libres. Et chez nous, beaucoup de gens sont d'accord qu'ils les publient, même s'ils n'aiment pas leurs dessins. C'est cela la liberté. Ne pensez-vous que c'est pire de faire des caricatures sur une personne qui ne fait plus partie de ce monde et, donc, ne peut pas se défendre devant les tribunaux ? Je préfère ne pas parler du Prophète. Je risquerais par mes maladresses de choquer vos lecteurs musulmans. Mais, en l'occurrence, quand je parlais d'une personne, c'est une notion juridique : il s'agit d'une personne vivante, pouvant se défendre devant les tribunaux. Le problème de la caricature est un peu particulier. Parce qu'on n'attaque pas directement des personnes, on se moque simplement de certains aspects avec lesquels on n'est pas d'accord : chez nous ce genre de critique est très libre, surtout quand le personnage est public : les caricatures d'hommes politiques, par exemple, sont très libres. On se moque de tous les pouvoirs, et la religion est un pouvoir. C'est notre culture.