Des dizaines de membres des familles de disparus et des militants des droits de l'homme se sont rassemblés hier, rue El Khattabi, au centre d'Alger, à l'occasion du septième anniversaire de l'adoption de la charte pour la paix et la réconciliation nationale pour marquer leur désapprobation du texte, demandant que la vérité soit faite. Des militants des droits de l'homme ont été interpellés, avons-nous appris sur place et ont été dirigés «de force», précise-t-on, vers le commissariat de la rue Asselah-Hocine. On évoque les noms de Tarek Mammeri, activiste sur les réseaux sociaux qui a eu déjà des démêlés avec la police ainsi que Kader Fares Affak et Douaib Laadjal du Réseau de Défense des Libertés et de la Dignité (RDLD). Quoique indésirable, Ali Belhadj est venu soutenir le mouvement avant qu'il ne soit lui aussi arrêté. Sous haute protection policière, le rassemblement organisé par le collectif des familles des disparus, Sos disparus et d'autres associations, a rassemblé des membres des familles de disparus venus de plusieurs régions du pays, avons-nous constaté. Ils scandaient des slogans hostiles à la Charte pour la paix et la réconciliation nationale tout en réclamant justice. «Ulac smah ulac (pas de pardon)», «des fosses communes dans le pays de la liberté» ou encore «Barakat el hogra», scandaient à gorge déployée les membres de ces familles. «La charte est venue pour consacrer le principe de non sanction. Nous réclamons des sanctions», nous affirmera Saker Louisa, secrétaire générale de l'association des familles de disparus de Constantine. Le même sentiment prévaut chez Hacene Ferhati de SOS disparus. «Qu'a ramené la Charte ?», s'est-il interrogé avant de poursuivre : «Nous refusons la charte, nous réclamons justice. Il y a bel et bien des détenus dans des prisons secrètes», martèle-t-il. Noureddine Benmiloud, qui défend les familles des internés des camps du Sud, dira aussi ne pas reconnaître la charte. «Nous voulons des comptes. Personne n'est contre la paix mais la charte ne fait que blanchir ceux qui ont des choses à se reprocher et exclut les victimes», dit-il, égratignant au passage Me Farouk Ksentini qui a estimé que le dossier des disparus est clos. «Le mieux qu'il aurait pu faire est de se taire.» Le président de la CNCPPDH n'a pas aussi les faveurs de Hacene Ferhati. «Le dossier n'est jamais clos et ne se refermera jamais même si on se retrouve seuls», martèle-t-il avant de nous montrer le slogan de son association : «Oubliez vos enfants, on oubliera les nôtres.» A notre interrogation sur la relance du dossier à la faveur de la visite du commissaire onusien avec l'envoi prochain d'un groupe de travail, Hacene Ferhati est sceptique, même s'il s'en réjouit. Il dira que l'Etat algérien aurait même imposé des conditions à ce panel onusien. «Qu'on nous dise d'abord quand le groupe se déplacera à Alger et on verra après», a-t-il poursuivi. Dans un communiqué rendu public, les organisateurs du rassemblement, qui ont été soutenus également par le Mjic et le Snapap, demandent aux pouvoirs publics de «prouver leur bonne volonté à travers la ratification de la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées» et mettent en garde contre «toute solution en dehors du cadre juridique». Au même moment, des dizaines de sympathisants de la charte célébraient au Centre scientifique art et culture, rue Didouche-Mourad, le 7e anniversaire de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale sous le slogan «Le parcours du président de la République en direction de la paix».