Selon les dirigeants de la JSM Béjaïa, leur club aurait réalisé lors de son dernier match à domicile contre le Mouloudia d'Alger sa meilleure recette au stade depuis plus d'une année. On s'attendait, alors, qu'ils nous dévoilent un chiffre faramineux. On a eu droit à la somme de 96 millions de centimes. Pas vraiment de quoi pavoiser quand on connaît les charges inhérentes à la gestion d'un club professionnel de football. «Quelque part, on peut être satisfait que la JSMB ait fait match nul face au Mouloudia, nous a dit un des dirigeants du club béjaoui. Si nous avions gagné nous aurions été obligés de payer une prime de victoire, et à la JSMB elle est de 6 millions de centimes par joueur pour un succès à Béjaïa. Comme il y a 23 joueurs, faites vos comptes, nous sommes largement au-delà du chiffre de la recette du stade.» Le football-spectacle n'existe pas Nous avons évoqué la JSMB non pas parce qu'elle représente un cas à part dans le football, mais parce que le problème rencontré par le club béjaoui est conforme à la triste réalité du football professionnel algérien dont les clubs font de la corde raide pour subsister. La faute à plusieurs facteurs, en premier à celui du manque d'attrait de ce sport auprès des investisseurs. Oui le football professionnel algérien ne génère pas de l'argent en ce moment. Au contraire, il en bouffe et il le fait selon des proportions gargantuesques. La notion de football-spectacle est loin d'être une réalité en Algérie. Normalement un club censé donner du spectacle doit pouvoir s'autofinancer. Ce n'est pas le cas dans le football algérien. Le club ne peut donc vivre de ses maigres recettes au stade, où parfois le nombre de resquilleurs dépasse celui des gens qui ont payé leur place, ni de ses opérations de marketing presque inexistantes. Il n'est pas encore venu le jour où un club professionnel algérien se permettra de dire qu'il y a des produits dérivés à ses couleurs en vente un peu partout. Il y a bien des maillots de clubs vendus çà et là mais, dans une très large proportion, ils échappent complètement aux clubs en question. Le marché informel est passé par là et on a vu la difficulté à laquelle se heurte l'Etat pour l'enrayer. A défaut d'opération de marketing efficace, le club professionnel algérien compte alors sur ses soutiens que sont les sponsors. Mais là aussi il ne faudrait pas voir grand. Il y a de l'argent mais ce n'est pas énorme. De toutes les manières, ces opérations sont plafonnées et très souvent elles sont limitées dans le temps. Reste la dernière source de financement pour le club professionnel : puiser dans les comptes du club sportif amateur (CSA). Ce dernier est le seul à pouvoir bénéficier de l'aide de l'Etat et des collectivités locales. Son argent doit en principe servir à financer les autres sports mais aussi la formation selon les contrats-programmes signés avec qui de droit. Il se trouve que les clubs professionnels, qui eux ne bénéficient pas de l'aide de l'Etat ou des collectivités locales, financent leurs opérations par le biais du compte en banque du CSA. Ce n'est pas du tout légal et les pouvoirs publics sont parfaitement au courant de cet état de fait. Ils laissent faire parce qu'ils savent que sans cela de nombreux clubs professionnels mettraient la clé sous le paillasson. La source de dépenses la plus importante pour un club professionnel est incontestablement la masse salariale à laquelle il fait face. Il n'est un secret pour personne que nous sommes là dans un système qui dépasse l'entendement avec des joueurs qui perçoivent des salaires qu'ils sont loin, très loin, de mériter. Faute de recettes suffisantes, on est obligé de racler les fonds de caisse quand il ne s'agit pas d'emprunter (prendre serait plus juste et plus proche de la réalité) de l'argent au club amateur. Il faut ajouter aux sommes versées au titre de paies, les charges patronales. En effet si le joueur doit verser 15% de ses gains à la CNAS et aux impôts (IRG) à savoir 9% pour la première et 6% pour les seconds, l'employeur y va d'une taxe de 26% à payer sur le salaire de chacun de ses joueurs. C'est énorme et cela ne fait que corser une addition déjà bien salée. On obtient ainsi des clubs qui font semblant d'être professionnels en ne générant pas de bénéfices et en ayant une masse salariale et des charges patronales absolument astronomiques. Le plus dramatique est que les responsables du football algérien ne lèvent pas le petit doigt pour tenter d'enrayer la dérive. Aucun d'eux ne s'insurge contre les salaires versés aux joueurs et ne cherche à réunir tous les présidents de clubs pour essayer de plafonner de telles paies. La situation n'en devient que plus grave puisque l'écrasante majorité des clubs professionnels est dans le rouge et devrait être déclarée en faillite. Un FCP boulimique Voila de quoi vont parler les responsables de la FAF et les dirigeants de clubs lorsqu'ils iront voir prochainement le ministre de la Jeunesse et des Sports. Au lieu de demander de l'argent, encore de l'argent, toujours de l'argent, ils feraient mieux de voir comment baisser ces astronomiques masses salariales ou comment canaliser l'argent qui va vers le marché informel des produits dérivés même s'il est dérisoire. Le président de la Fédération algérienne a expliqué que les clubs s'étaient lancés en masse dans le professionnalisme dès qu'ils avaient appris que l'Etat avait pour intention de doter chaque candidat de 100 millions de dinars. Seulement cette somme était destinée à des objectifs autrement plus sérieux et plus nobles que la stupide opération qui consiste à recruter des joueurs sans talent, des objectifs comme la formation ou la construction de centres spécialisés pour cela. Mais le FCP (le Forum des présidents de clubs) ne l'entend pas de cette oreille et cherche à user de cet argent comme bon lui semble. Il a bien le droit de rêver d'autant qu'il évolue dans un monde qui est sens dessus dessous où le capital d'une SSPA est constitué avec l'argent du CSA et ce sont les responsables de ce même CSA qui usent de cet argent pour devenir membres du conseil d'administration de ladite SSPA. Et ça se fait au vu et au su de tout le monde même des autorités. Le professionnalisme en Algérie ? C'est encore loin d'être réel au sens propre du terme.