Adulés comme des dieux, les stars du stade font aussi souvent scandale et tombent de leur piédestal dès que la question des salaires qu'ils perçoivent est abordée. Une polémique qui enfle à la mesure des sommes mirobolantes en jeu. Que l'argent se soit intimement lié au sport, et plus particulièrement au football, cela n'est ni nouveau ni spécifique à l'Algérie. Mais il y a une particularité nationale qui donne au débat des allures de scandale : les clubs algériens sont pour l'essentiel financés par le contribuable. Les salaires qu'ils distribuent aux joueurs qu'ils s'arrachent durant les mercuriales sont-ils rationnels ? Les joueurs méritent-ils vriament leurs salaires, au regard des piètres prestations qu'ils offrent en spectacle ? Présidents de clubs, techniciens, joueurs et députés s'expriment sur cette délicate question. 450 millions de centimes par mois. De quoi faire tourner la tête au plus avéré des smicards algériens et lui donner le vertige. Ce chiffre mirobolant ne représente pas la rémunération d'un grand chercheur, ni d'un éminent savant et encore moins celui d'un professeur en médecine. Ce sont les honoraires d'un pousse-ballon qui, faute de décrocher un contrat juteux ou se frayer une place dans un club respectable en Europe, est venu faire fortune en Algérie. En effet, c'est le salaire mensuel que percevait la saison passée Lemmouchia à l'USM Alger. Un record pour ce qui est des émoluments des salariés algériens. Le Franco-Bosnien Halilhodzic, sélectionneur national, touche environ 65.000 euros, c'est-à-dire, pratiquement le double. Cela dit, Lemmouchia n'est pas un cas isolé, puisqu'ils sont nombreux à quitter des formations européennes et plus particulièrement françaises, pour louer leurs services dans les clubs algériens. Pour les footballeurs issus de l'immigration, qui pour des raisons relatives à la concurrence sportive, aux difficultés financières dont souffrent les clubs du Vieux continent et au racisme aussi, le championnat national est désormais devenu un eldorado pour eux. Mohamed Cédric, Mohamed Benhammou, Kacem Mehdi, Yazid Mansouri, Zahir Zerdab, pour ne citer que ceux-là, sont venus monnayer leurs « talents » en Ligue 1 professionnelle. Toutefois, ils ne sont pas les seuls à profiter de la situation. Les joueurs locaux, démunis de toute formation spécialisée et n'ayant pour atout que leurs qualités techniques intrinsèques, en tirent bénéfice aussi. L'année dernière, les salaires octroyés par l'USM Alger, grâce à l'apport de Ali Haddad et de son groupe ETRHB, ont fait débat dans le milieu sportif national. Une masse salariale qui avoisinerait les 7 milliards de centimes pour un groupe de 25 joueurs et un staff technique réduit et un investissement d'environ 80 milliards de centimes qui, finalement, s'est avéré infructueux. Autant dire, une perte sèche pour un homme d'affaires pourtant habitué aux règles commerciales et à la politique du « win to win ». Cette saison, les salaires n'ont pas baissé. Bien au contraire, la tendance est à la hausse. Les rémunérations, sans compter les différentes primes, ont pris des dimensions surdimentionnées et scandaleusement disproportionnées. La masse salariale des clubs a pratiquement doublé pour la plupart des SSPA, même si le plus grand salaire reste loin de celui perçu par Lemmouchia, l'exercice précédent. En effet, la mensualité d'un footballeur au statut d'international ou celle d'un joueur médiatisé est de 200 millions de centimes au minimum. Les salaires des éléments moyens varient entre 100 et 150 millions, alors qu'un joueur remplaçant, qui peut ne jamais être utilisé durant la saison, percevrait au minimum 40 millions de centimes. Par ailleurs, les clubs n'ont pas tout à fait rompu avec les vieilles pratiques. Pour appâter les joueurs les plus en vue, ils leur proposent des avances allant jusqu'à huit mois de salaires. Les clubs offrant les plus gros salaires et dont les charges sont les plus élevées demeurent l'USMA, la JSK, l'ESS, le MCA et la JSMB. Lorsqu'on sait que le salaire minimum garanti (Smig), en Algérie, est de 18.000 DA et qu'il a fallu une multitude de tripartites (Gouvernement-Syndicat-Patronat) pour atteindre ce niveau, il y a de quoi être scandalisé. D'autant plus que les clubs, quand bien même ils aient embrassé le statut de SSPA, continuent de trouver, à plus de 80%, leurs ressources financières chez l'Etat, à travers les différentes subventions et les allégements fiscaux octroyés à leurs sponsors. Nombreux sont ceux qui aiment faire le parallèle entre ce qui se fait dans les différents championnats européens et chez nous. Cependant, on a tendance à oublier que les joueurs en Europe sont de véritable produits marketing très rentables et leur image de marque génère des profits pour leurs employeurs. A travers la vente de maillots et autres produits dérivés et la publicité, les clubs, qui s'appuient déjà sur les droit TV, la vente de billets et la formation pour équilibrer leurs budgets, parviennent aisément à rentabiliser leurs transferts aussi coûteux soient-ils. Ce qui n'est pas le cas chez nous. Nos clubs se distinguent par un mode de gestion pour le moins bizarre et en parfaite contradiction avec toutes les règles. En somme, les Sociétés sportives par actions (SSPA) réclament d'énormes subventions à l'Etat pour leurs besoins de recrutement essentiellement pour enfin afficher des bilans technique et financier catastrophiques. On dit que le ridicule ne tue pas. Une chose est sûre, ce n'est certainement pas au sein de notre football qu'il fera ses premières victimes.