A quelques mètres seulement du terminal de Rafah, sur la frontière entre l'Egypte et la bande de Ghaza, on est littéralement happés par l'odeur de la mort et frappés par l'ampleur des destructions que provoquent les raids aveugles, incessants et particulièrement meurtriers de l'armada militaire israélienne, témoignent les nombreuses personnes évacuées vers la partie égyptienne. «Il n'y a pas d'autre mot, notre peuple vit l'enfer, notamment les enfants, les femmes et les personnes âgées», a résumé à l'APS un blessé transféré d'une ambulance palestinienne, arrivée au terminal de Rafah, à une autre égyptienne pour être hospitalisé quelque part en Egypte. La tragédie et ses signes de souffrance extrême se lisent sur les visages des personnes affluant de l'autre partie. Mais aussi «la colère et la consternation face au mutisme international opposé aux agressions israéliennes et aux crimes contre l'humanité commis contre un peuple sans défense, dont le seul tort est d'être palestinien», a martelé un médecin norvégien qui est parvenu à entrer dans Ghaza en compagnie d'un de ses collègues depuis le début de l'invasion. «C'est une vraie catastrophe humanitaire qui se déroule au vu et au su du monde entier, qui reste de surcroît impassible... Les Israéliens testent sur des populations désarmées tous types d'armes, toutes sortes de bombes prohibées, de la bombe à fragmentation à la bombe au phosphore blanc qui entraînent de très graves brûlures», confirme un médecin palestinien, Yasser, qui accompagnait les blessés à bord d'une ambulance palestinienne. La mission algérienne chargée de superviser les aides de l'Algérie destinées aux populations de Ghaza est elle aussi un des témoins impuissants des bombardements continus de l'armée israélienne, qui a procédé à un véritable encerclement des régions frontalières par des sortes de ballons montés de caméras et de radars. Dès les premières lueurs de la journée de samedi, l'armée israélienne a intensifié les bombardements sur la bande frontalière, dont la largeur ne dépasse pas, par endroits, quelques dizaines de mètres. «Expérience douloureuse oblige, dès que nous apercevons des drones israéliens survolant la zone, nous nous attendons au passage dévastateur des avions F16, aussi bien sur la bande frontalière que sur la ville palestinienne de Rafah, séparée de la partie égyptienne par un mur», confie un Palestinien, Cheikh Abdessatar, plus connu sous le pseudonyme El Oumda. Il n'est autre que l'ancien gouverneur (mouhafedh) de Ghaza. Généreux et solidaire, le désormais vieil homme a ouvert sa maison à Rafah, côté égyptien, pour accueillir les journalistes étrangers. A la vue de l'emblème national algérien drapant la cargaison des aides algériennes, il n'a pas pu s'empêcher de lancer devant les nombreuses personnes regroupées autour du terminal de Rafah : «Voici les hommes libres !», ceux qu'il dit avoir côtoyés de près lors de sa participation aux travaux du Conseil national palestinien, en 1987, à Alger. Un décor apocalyptique devenu coutumier En moins de trois semaines, la population de la région semble s'habituer, malgré elle, à ce décor d'apocalypse fait de bruit sourd d'avions de chasse, de bombes, de missiles, d'odeur suffocante de poudre et de fumée noire enveloppant ciel et terre après chaque bombardement. La plus grande alerte a eu lieu samedi aux environs de 16h locales, lorsqu'un missile est tombé à moins de 50 mètres du lieu de résidence des journalistes, sur le sol égyptien. La terre a alors comme tremblé sous l'impact du bombardement et une épaisse fumée noire a envahi le ciel sans empêcher les ambulances, sirènes hurlantes, d'aller tant bien que mal au secours des blessés. «Les bombardements ont ciblé la ville palestinienne surpeuplée de Rafah», a informé un officier garde-frontières égyptien, devenu expert en matière de détection précise des positions ciblées. Il en déduit que les bombardements visent souvent les zones habitées et non pas seulement les tunnels ouverts sous la bande frontalière et servant à «l'acheminement par les Palestiniens des vivres et des armes» vers la bande de Ghaza, comme le prétend Israël.
Les effets des bombes interdites visibles partout Au terminal de Rafah, un autre bombardement de la bande frontalière a ébranlé la région tel un séisme, sous l'impact des bombes à fragmentation qui laissent des cratères de plus de 30 mètres de profondeur, à en croire un officier égyptien. Les effets indirects des bombes à fragmentation sont visibles sur certaines bâtisses de la ville égyptienne de Rafah et des fissures profondes sont aussi apparentes sur le mur séparant l'Egypte de la bande de Ghaza. Dans les localités frontalières, l'atmosphère générale est assurément différente de celle prévalant dans les autres villes égyptiennes où les soirées restent malgré tout animées. Dès la tombée de la nuit, la plupart des commerces de la zone frontalière baissent rideau et la vie s'arrête d'un coup comme atteinte d'une apathie profonde, pour ne reprendre que le lendemain au matin. Les graves événements de Ghaza y sont pour beaucoup mais aussi le grand froid qui balaie la région en cette période hivernale, témoigne le gérant d'un kiosque à journaux. Dès l'arrivée des convois de l'aide humanitaire internationale, les habitants de la région, jeunes et moins jeunes, se mobilisent pour prêter main forte aux agents chargés du déchargement et de l'acheminement des produits destinés à la population martyrisée de Ghaza. En plus, la région étant toujours régie par le système tribal, les membres du Croissant-Rouge égyptien sollicitent, en cas de besoin, l'aide des chefs de tribus dans la gestion des aides. Réservé à l'acheminement des médicaments et des équipements médicaux, le terminal de Rafah accueille également les blessés. Le délégué palestinien à l'aéroport égyptien d'El Arich, Adnane Djawdat, relève que la difficulté réside dans l'acheminement des médicaments par le Croissant-Rouge égyptien à cause des bombardements, contrairement aux denrées alimentaires transférées via le port du terminal d'El Aoudja, à quelque 50 km de Rafah, contrôlé de l'autre côté par Israël. L'acheminement des aides est confié au Croissant-Rouge égyptien qui assure leur livraison à la partie israélienne, indique M. Djawdat, qui dénonce les «tergiversations» d'Israël lorsqu'il s'agit de distribuer les aides à la population de Ghaza. Les produits sont quelquefois abandonnés à l'air libre et finissent par pourrir. L'attentisme criminel israélien est illustré par certaines pratiques pour le moins absurdes, comme celle qui consiste à contrôler, un à un, chaque bout de pain, chaque datte, chaque morceau de sucre à la recherche... d'éventuelles munitions que l'on tenterait de passer entre les mailles du filet, fait savoir de son côté un des membres du Croissant-Rouge omanais. Entre les terminaux de Rafah et d'El Aoudja, on compte un troisième terminal, celui de Karam Abou Salem, contrôlé lui aussi par les Israéliens dans les territoires occupés.
Tout pour évacuer les familles algériennes de Ghaza S'agissant de la communauté algérienne établie à Ghaza, on apprend qu'une Algérienne et ses cinq enfants ont pu regagner la ville palestinienne de Rafah, en attendant la finalisation des formalités sécuritaires nécessaires pour qu'elle puisse entrer en territoire égyptien, selon une source du consulat d'Algérie au Caire. Le passage, jusque-là fermé en raison des bombardements incessants, a également été ouvert, a-t-on encore appris. Une équipe médicale algérienne conduite par le président du Croissant-Rouge algérien (CRA), Hadj Hammou Ben Zeguir, est par ailleurs arrivée samedi à El Arich avec pour mission d'évaluer la situation sanitaire dans la bande de Ghaza pour pouvoir apporter une aide «conséquente et efficace». La délégation médicale algérienne, a indiqué M. Ben Zeguir, participera en outre à toute évacuation des familles algériennes établies à Ghaza. Depuis leur arrivée au terminal de Rafah, des membres du consulat algérien disent avoir «fait leur possible» pour évacuer les familles algériennes résidant à Ghaza. Le consul général avait lui-même effectué d'intenses consultations dans ce but, avec les forces de sécurité égyptiennes au niveau du terminal de Rafah et une liste des familles algériennes se trouvant à Ghaza a également été remise aux autorités égyptiennes. Le consulat algérien a, d'autre part, œuvré à fournir tous les documents nécessaires au rapatriement des familles algériennes, dont la délivrance de passeports et de visas d'entrée en Algérie pour les enfants et les conjoints palestiniens de femmes algériennes. A cet effet, les diplomates algériens affirment n'avoir ménagé aucun effort. Ils ont, entre autres, pris contact avec le chef du bureau du CICR à Ghaza, Antoine Grand, mais celui-ci leur a certifié l'impossibilité, pour l'heure, de rapatrier les familles algériennes, en raison de la poursuite des bombardements. Les attaques ciblent la seule route reliant le nord au sud de Ghaza, et même des ambulances de la CICR, entravant ainsi grandement toute mission humanitaire.