La ministre israélienne des Affaires étrangères Tzipi Livni a déclaré, jeudi dernier à Paris, qu'Israël maintenait «la situation humanitaire à Ghaza exactement comme elle doit être». Et comment doit être cette situation avec les hôpitaux encombrés par les blessés, les réserves d'eau qui diminuent, les eaux usées qui s'écoulent dans les rues, la nourriture, le carburant et les médicaments qui se font de plus en plus rares ? A cela s'ajoutent les tirs de missiles israéliens ciblant des hôpitaux, des cliniques et des ambulances. Quant à l'aide humanitaire, elle reste l'otage de la décision égyptienne de fermer le terminal de Rafah. Même l'acheminement par voie maritime n'est pas possible puisque la marine israélienne a foncé sur un bateau d'aide humanitaire dans les eaux internationales, lequel transportait des médecins et des médicaments. Selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), à Ghaza, c'est le chaos. Mais les gouvernants de ce monde assistent, dans une sérénité révoltante, à la mort lente des Ghazaouis. Ils détournent le regard des blessés dont les plaies béantes ne trouvent même pas de compresses. Ils refusent d'entendre les cris incessants des enfants affamés. Ils sont tous complices de ce génocide, qu'ils soutiennent l'action israélienne ou qu'ils soient juste soumis à la loi du plus fort. Hosni Moubarak, objet de critiques acerbes depuis sa décision de fermer ses frontières à des Palestiniens meurtris, s'est senti obligé hier de se justifier. Accusant le Hamas de vouloir accaparer le terminal de Rafah, le président égyptien, dans une déclaration à la télévision égyptienne, a expliqué qu'aucune aide humanitaire ne peut transiter par le terminal de Rafah sans être contrôlée par Israël, la puissance colonisatrice qui domine le territoire. Se voulant convaincant, Hosni Moubarak, qui a rappelé le soutien de son pays à la cause palestinienne depuis 1948, a dit : «Le terminal de Rafah est ouvert pour le passage des individus dans le cadre d'une coordination avec Israël qui le surveille avec des caméras et des contrôleurs.» Même si Hamas a démenti les déclarations du président Moubarak, ce n'est pas tant sa réaction qui est la plus importante. C'est plutôt celle émanant d'un homme de loi égyptien qui met à nu les justifications du président Moubarak. Ahmed Mekki, le vice-président de la Cour de cassation égyptienne, qui a contredit son chef d'Etat, a déclaré : «Je n'ai fait que dire le droit. Le président Moubarak a fait des déclarations politiques qui obéissent à d'autres principes que ceux des lois. Ses déclarations sont imposées par des impératifs politiques qui mettent l'Egypte dans l'incapacité de prendre une position ferme face à Israël, et cela à cause de conjonctures politique, économique, militaire et internationale spécifiques, ainsi que certaines pressions.» Revenant au droit, Ahmed Mekki a expliqué que si le colonisateur avait un droit de regard sur les produits qui transitent par le terminal de Rafah, cela s'accorde à lui reconnaître une légitimité : «Le colonisateur n'a pas de droits et il est considéré dans la loi internationale comme un criminel qu'il faut combattre». Sans détour, le vice-président de la Cour de cassation a assuré que l'Egypte doit ouvrir le terminal de Rafah. «Un côté du terminal est sous l'autorité égyptienne et l'Egypte n'est pas soumise aux “accords des terminaux” signé entre Israël et l'Autorité palestinienne. Le terminal du côté égyptien est exclusivement égyptien comme il est exclusivement palestinien de l'autre côté. De plus, le droit international inclut l'obligation de l'acheminement de l'aide humanitaire dans le cas précis où Israël soumet la bande de Ghaza à un embargo.» Ghaza est soumise à un embargo par Israël mais également par l'Egypte, le seul pays arabe ayant une frontière commune avec cette bande de terre au nord-est du Sinaï. Les régimes arabes doivent-ils être qualifiés de complices ou de lâches dans cette tragédie humaine ? Une seule certitude : nul ne sortira indemne de cette guerre. Les morts de Ghaza ne feront qu'agrandir le fossé entre les peuples et leurs gouvernants. H. Y.