Le Maroc a reçu, mercredi en soirée, une véritable douche froide à l´annonce des résultats du vote d´une motion, en séance plénière, par la chambre unique suédoise, demandant au gouvernement de Stockholm de «reconnaître au plus tôt» la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Cette résolution, inédite en Europe, dont le projet initial avait été déjà adopté le 28 novembre par la Commission des Affaires étrangères de ce même parlement, lance un message similaire aux parlementaires européens de Strasbourg et aux députés des parlements de chaque pays membres de l´Union européenne, les invitant à engager la même initiative. L´adoption de cette résolution qui a recueilli le large consensus des formations politiques, le Parti Social Démocrate, des Verts et des communistes de l´ex-Parti Démocrate, est une première en Europe. Certes, la RASD avait été reconnue officiellement, en 1984, par un pays européen, l´ex-République yougoslave, au même titre que les 80 pays, en majorité africains qui, aujourd´hui, entretiennent des relations diplomatiques avec la République sahraouie, dont la puissante Afrique du Sud. C´est toutefois la motion du Riksdag (le Parlement suédois) que le Maroc craignait le plus car celle-ci aura sans doute à l´avenir un impact politique et diplomatique sans précédent au niveau international. Le vote parlementaire suédois pèsera, en effet, au plan européen de tout son poids dans la relance du processus de décolonisation du territoire sahraoui, occupé illégalement par le Maroc depuis 37 ans. La Suède pourrait donner une forte impulsion au processus de décolonisation du Sahara lorsqu´elle assumera la présidence tournante de l´Union européenne. La motion de ses parlementaires constitue, par conséquent, un sérieux revers diplomatique pour le Maroc dans une conjoncture encore marquée, au moins au plan moral et politique, par le début d´une réparation de l´injustice envers la Palestine qui vient d´entrer à l´Onu sous le statut d´Etat observateur non membre. Satisfaction du Front Polisario et déception à Rabat Hormis la grande déception du gouvernement marocain dont le porte-parole, Nabil Bouabdallah, a accusé la Suède de «bloquer les efforts de l´Onu» dans la recherche d´une solution à la question du Sahara Occidental à un «conflit artificiel», formule utilisée au Maroc contre l´Algérie, les réactions ont été nombreuses à l´étranger. Le représentant sahraoui en Suède, Alin el Kantaoui, a qualifié à juste titre d´«historique» la motion des députés suédois qui intervient au moment où le représentant personnel du Secrétaire général de l´Onu, M. Ban Ki-moon, multiplie les efforts en vue d´une solution politique au conflit du Sahara, entre le Maroc et le Front Polisario, sur la base d´un référendum d´autodétermination. Au terme du vote, le social démocrate suédois, Hans Linde, s´est félicité que son pays soit le premier de l´Union européenne à voter en faveur de la reconnaissance de la RASD. Dans le camp politique opposé, c´est le même sentiment qui a été exprimé par le représentant du Parti conservateur, Ulrik Nilsson, lequel a demandé au chef du Gouvernement de la coalition appartenant à sa mouvance politique, le Premier ministre Fredrick Reinfeldt, d´activer au plan européen et à l´Onu pour la tenue d´un «référendum juste» au Sahara Occidental, option à laquelle s´oppose radicalement le royaume du Maroc dans ses négociation avec le Front Polisario. L'expulsion de la «numéro 2» de l´ambassade suédoise En Espagne, pays où la cause sahraouie jouit d´un grand soutien tant au sein de la société civile, du Congrès des Députés que du Sénat, des partis politiques, toutes tendances confondues, et des médias, le député communiste, Gaspar Llamazares, s´est félicité de l´adoption de la résolution suédoise qui indique «la voie à suivre» pour les autres parlements et Etats de l´Union européenne. Les relations entre le Maroc et la Suède n´ont, en fait, jamais été très cordiales. Le dernier incident entre les deux pays remonte à 2009 lorsque l´ex- «Numéro deux» de l´ambassade de Suède à Rabat, Ana Block-Mazoyer, avait été expulsée par les autorités marocaines. La diplomate suédoise avait été accusée d´avoir livré au Front Polisario un document que lui avait remis le ministère marocain des Affaires étrangères sur la «Marocanité du Sahara Occidental». La Suède est l´un des premiers pays en Europe à avoir dénoncé le pillage des ressources naturelles du Sahara Occidental. Avec les autres pays scandinaves, surtout le Danemark, elle est parvenue, en 2012, à bloquer l´élargissement de l´Accord de Pêche UE-Maroc aux eaux territoriales sahraouies, en faisant valoir que le Royaume du Maroc n´a aucun titre de souveraineté sur cette dernière colonie d´Afrique.